NFT (Non Fongible Token) : comptabilisation et fiscalité

Les multiples supports numériques, et parmi ceux-ci le NFT (Non Fongible Token) en fait progressivement un “actif” presque comme les autres, qu’on ne peut ignorer. Son achat et sa revente sont amenés à se développer.

Mais comment le traiter en comptabilité ? Comment le présenter dans les états financiers de l’entreprise ?

Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts-de-France, expose dans cet article la forme, la substance, et les droits et obligations du NFT. Mais pose aussi de nombreuses questions non encore résolues à ce jour.

Qu’est-ce qu’un NFT (Non Fongible Token) ?

Un NFT (jeton non fongible en français), est un objet numérique unique, inscrit sur une blockchain, aussi appelé “crypto objet”. Le dictionnaire Larousse donne la définition suivante du jeton non fongible : « Fichier numérique non reproductible et infalsifiable représentant un actif numérique, objet virtuel ou physique, qui est répertorié dans une blockchain et auquel est associé un certificat digital d’authenticité et de propriété. »

Biens (actifs) numériques, les NFT représentent des objets aussi divers que des oeuvres visuelles (bandes dessinées, cartes de collection, chats virtuels, images Jpeg, films, etc.) ou musicales (vidéos), des oeuvres d’art, des pièces écrites uniques, des lignes de code informatique, des jeux vidéos, etc. Il peut aussi s’agir du support d’échange d’une propriété numérique dans les espaces virtuels (preuve de propriété), ou dans le futur “métavers”…

Lorsque l’on crée un NFT, toutes les données de l’oeuvre (l’actif) vont être numérisées et inscrites dans la blockchain. Ainsi, l’historique de l’actif (date de création, nom du créateur, achats, reventes, etc.) y est inscrit de façon définitive. En d’autres termes, le NFT est accompagné d’un acte de propriété (un “certificat d’authenticité numérique”) qui garantit à l’internaute possesseur du NFT d’en être le seul et unique propriétaire. Il existe même des NFT numérotés, qui permettent à une même oeuvre d’exister en plusieurs exemplaires, comme les reproduction d’une oeuvre d’art ou d’une photographie, et leurs éditions numérotées. Chacune est unique et possède donc son propre numéro, mais il y a plusieurs NFT.

Propriété du NFT et droit d’auteur de l’oeuvre

Cependant, le propriétaire du NFT ne possède pas les droits d’auteur et de reproduction de l’oeuvre. Ceux-ci restent conservés par l’artiste. L’unicité (l’originalité) d’un NFT est attestée par sa numérisation, et son inscription sur la blockchain.

Les NFT (Non Fongible Tokens) sont échangés sur des plateformes (places de marché) telles que OpenSea, Rarible, SuperRare, Mintable, Nifty Gareway, etc.

En matière de fiscalité, il n’y a imposition qu’à partir du moment où l’on sort des crypto-monnaies, et que celles-ci sont échangées en euros ou en dollars. Sans cela, les opérations en crypto-monnaies ne sont pas fiscalisées.

Non fongible signifie “qui ne peut être remplacé par une autre chose de même nature, de même qualité et de même quantité”. (définition du Larousse)

L’argent est fongible : une pièce d’un euro peut être remplacée par une autre pièce d’un euro. Un Bitcoin peut être remplacé par un autre bitcoin. Pas le NFT : il est unique, irremplaçable.

La blockchain est à l’origine de la plupart des crypto-monnaies existantes, et garde une trace de tous les éléments qui y sont inscrits. C’est une base de données immuable, inaltérable et inviolable.

 

La valeur du NFT (Non Fongible Token)

La valeur d’un NFT (Jeton non fongible) dépend de l’offre et de la demande, et il n’y a aujourd’hui aucune régulation du marché. C’est donc uniquement la valeur symbolique associée à l’objet représenté, sa rareté, et le cours de la crypto-monnaie utilisée, qui déterminent sa valeur à l’instant t.

Les jetons non fongibles (NFT) s’échangent sur différentes plates-formes, chacune spécialisée dans un domaine. Les maisons Christie’s et Sotheby disposent même de leur propre application d’échange d’oeuvres d’art crypto !

Quand on vend un NFT (Non Fongible Token) au travers d’une plateforme, chaque mouvement génère des droits pour l’auteur. C’est un argument de poids pour la défense des droits d’auteur.

 

Problématiques comptables et fiscales liées au NFT (Non Fongible Token)

Quelle est la nature économique et juridique des NFT ? Quelles sont leurs caractéristiques spécifiques ? Quelle en sera l’utilisation par l’entreprise ? Tous ces éléments détermineront en effet les règles de comptabilisation, mais surtout la fiscalité qui sera appliquée.

S’agit-il de simples marchandises, d’oeuvres d’art, de jetons numériques, de titres ou de contrats de placements financiers ?  Depuis 2019, la Loi Pacte encadre la fiscalité des actifs numériques. Mais qu’en est-il des NFT ? Suivent-ils la même définition, et les mêmes règles ? Aucune certitude n’existe à ce jour sur leur traitement fiscal. D’ailleurs, ni l’IRS aux USA, ni les “Revenue and Customs” britanniques n’ont encore décidé de façon spécifique le traitement des plus-values de cession de NFT.

Outre les réflexions qui permettent d’envisager l’applicabilité de tel ou tel régime fiscal, il est important cependant d’être cohérent, et de minimiser le risque de remise en cause des opérations. Voir notre article Comment déclarer ses cryptomonnaies ?

 

Les NFT sont-ils des jetons numériques ?

L’article 619-1 du CMF (Code Monétaire et Financier) définit le jeton numérique comme “tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien”. Le NFT répond en partie à cette définition, qui est d’ailleurs reprise par l’ANC (Autorité des Normes Comptables). Mais est-ce suffisant ?

S’ils devaient être qualifiés d’actifs numériques,

  • les NFT des investisseurs réalisant des opérations à titre occasionnel bénéficieraient ainsi du régime du sursis, et leur imposition se limiterait à la flat tax de 30%, plus éventuellement la CEHR (contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (entre 3 et 4 %).
  • les plus-values de cession des NFT des investisseurs réalisant des opérations à titre habituel relèveraient du régime des BIC (et donc une imposition pouvant aller jusque 62% (impôt sur le revenu 41%, prélèvements sociaux ou cotisations sociales 17.2%, CEHR 4% ).

Pour rappel, à compter du 1er janvier 2023, les « professionnels » seront imposés dans la catégorie des BNC, et non plus des BIC.

 

Le NFT (Non Fongible Token) est-il une œuvre d’art ?

Les jetons non fongibles sont encore très souvent associés à l’art. Faudrait-il donc les considérer ainsi sur le plan juridique ? Ni la technologie, ni l’aspect juridique, ne répondent pourtant positivement à la question. En effet, une “représentation numérique” n’est pas l’oeuvre d’art qu’elle représente, mais une série de codes informatiques…

Et c’est bien dommage, car cette solution offrait l’avantage d’un régime fiscal très favorable :

  • un taux de 6,5% si le cédant est un particulier résident fiscal français,
  • et une taxation à l’IS au taux de droit commun si les cessions interviennent dans une société commerciale…

 

Le NFT (Non Fongible Token) est-il un bien meuble incorporel ?

Avant leur définition par la loi PACTE, les actifs numériques (comme le bitcoin) avaient été assimilés à des “biens meubles incorporels”. Dans ce cas de figure, la plus-value dégagée est imposée au taux de 36,2% (19% d’IR, 17,2% de prélèvements sociaux). Un abattement de 5% s’applique par année de détention (après deux ans de détention). Et une exonération s’applique pour les cessions inférieures à 5.000 €.

Il semble néanmoins que l’on se dirige vers une imposition à la Flat Tax, qui ne serait appliquée qu’au moment de la “sortie” de la crypto-monnaie en euros ou dollars. Une fiscalisation “à la sortie”, en somme.

 

Comptabilisation au moment de l’acquisition :

  • Si l’entreprise a l’intention d’utiliser les services ou biens associés au NFT au-delà de l’exercice comptable en cours, on peut considérer qu’il s’agit d’une immobilisation incorporelle, amortie et dépréciée de façon classique. Pour rappel, ces immobilisations correspondent à des actifs non monétaires, sans matérialisation physique, qui génèreront des “avantages économiques futurs”.
  • Si l’intention de l’entreprise est autre, on pourrait alors comptabiliser les NFT dans le compte 522 “jetons détenus”. En cas de détention multiples, et sur des plateformes différentes, il peut s’avérer utile de créer plusieurs sous-comptes. Cela permet de faciliter le suivi comptable des jetons par plateforme. Cependant, il convient de bien vérifier l’objet réel de l’actif numérique, et de se rapprocher de la réalité de son utilisation.

 

A la clôture des comptes :

L’entreprise qui acquiert un NFT (Non Fongible Token), puis le détient dans son bilan, peut faire face à un prix instable, à une plus value ou à un effondrement de la valeur de son crypto-actif. En effet, ce type d’actifs peut être sujet à une très grande spéculation. Comment traiter ces variations en comptabilité ?

Il faudra d’abord vérifier que l’entreprise possède toujours le (ou les) jeton(s). Des outils (explorateurs de blockchain) permettent de vérifier les transactions qui ont eu lieu sur l’adresse publique du jeton (NFT), afin de valider sa propriété à 100%.

Ensuite, lors de chaque clôture, il conviendra d’en inscrire fidèlement la valeur dans le bilan, en calculant les plus ou moins values liées à chaque crypto-actif, et en passant les écritures de provision ou de gain latent nécessaires.

Compte tenu de leur caractéristique principale (“non fongible”), on ne peut pas considérer les NFT comme un ensemble homogène. Il faudra donc analyser leur valeur de façon unitaire, au cas par cas, et de ne pas se contenter d’une écriture unique de plus ou moins value “globale”.

Plus value latente

En cas d’augmentation de valeur, il s’agit d’un gain latent. Il faudra l’enregistrer au passif du bilan (compte 5202 “jetons détenus”), en contrepartie d’un compte transitoire (478 702 “Différences d’évaluation de jetons détenus – passif”)

Selon le principe de prudence, cette plus-value latente n’a aucune incidence sur le résultat de l’exercice. C’est en effet un gain temporaire, (d’où l’expression « latent ») qui ne sera effectif qu’à la cession du bien. (si sa valeur est encore supérieure à son coût d’achat).

Moins Value

En cas de diminution de valeur, il s’agit d’une perte latente, à inscrire à l’actif du bilan (comptes 478 602/5202). Et il faudra comptabiliser une dépréciation, en passant une provision pour risque. (comptes 686 xxx/151 xxx, dotation pour risques financiers).  Et interpréter fiscalement cette dernière. Ainsi, en cas de perte latente, pourra-t-on déduire fiscalement la provision comptable ?

Si on considère les NFT comme des immobilisations, il faudra aussi se poser la question de leurs amortissements. Et donc prendre en compte la durée de vie prévisible du NFT (Non Fongible Token). Mais cette écriture a-t-elle un sens si on considère le NFT concerné comme “durable” (une oeuvre d’art, par exemple), alors que l’amortissement constate une dépréciation irréversible du bien ?

D’une manière générale, l’entreprise qui possède des NFT mentionnera dans l’annexe au bilan :

  • son exposition aux variations d’un portefeuille de NFT,
  • le détail des NFT détenus, et s’ils sont amortissables ou non,
  • le mode de calcul des valeurs vénales et des éventuelles provisions constaté

 

Problématiques soulevées

Peut-on étendre le traitement fiscal des écarts de conversion sur les devises aux NFT ? Les NFT, et plus généralement les crypto-actifs ne répondent pas à la définition de devises.

Peut-on traiter les opérations sur les NFT de la même façon que des opérations relatives aux instruments financiers à terme ? Ou que des opérations de couverture ?

En théorie, les expositions aux risques qui peuvent être couvertes concernent les risques de marché (taux, change, matières premières).

Afin de sécuriser la position fiscale de l’entreprise (surtout si le montant de la provision est significatif), Valoxy vous recommande de recourir à un rescrit auprès de l’Administration fiscale.

 

Cet article est illustré (ci dessous) par une oeuvre de l’artiste bruxellois DUGA – je débranche complètement – 57×76 cm – 2021.  L’article vous a intéressé ? Dites-le nous dans les commentaires ci-après ! Et retrouvez nos autres articles sur le blog de Valoxy :

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Basile Traore
1 année

Documents très intéressants