L’essor des cryptomonnaies, entièrement dématérialisées, et évoluant sur des marchés peu ou pas contrôlés, a entraîné, outre la spéculation, de nombreux abus. Faciles à échanger, elles sont à la fois une opportunité et un risque pour les investisseurs. Face à elles se développe une alternative intéressante, porteuse de stabilité : le stablecoin.
Mais qu’est-ce qu’un stablecoin ? Comment offre-t-il cette stabilité ? Peut-on s’y fier ? Comment s’en procurer ? Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, répond à ces questions.
Qu’est-ce qu’un stablecoin ?
Les cryptomonnaies, ou jetons cryptographiques, totalement dématérialisées, basées sur la blockchain, garantissent en principe l’inviolabilité et la sécurité de leur propriété. Cependant, leur valeur est volatile, car encore trop souvent purement spéculative, ou en dehors de tout contrôle. (Bitcoin, Ethérum, etc.)
Les stablecoins (ou “jetons indexés”) sont des cryptomonnaies beaucoup plus stables parce qu’ils sont adossés à un actif (considéré comme) stable. Leur prix est en effet attaché à une monnaie fiduciaire (fiat) ou à un actif négociable sur le marché (pétrole, or, matière première, etc.). On retrouve d’ailleurs dans leur nom la stabilité (“stable”) et la sécurité d’une vraie pièce (“coin”). Les stablecoins les plus connus sont Tether, USD Coin ou Binance USD. Ils s’appuient sur les avantages technologiques de la blockchain.
Le stablecoin pourrait-il représenter une évolution dans notre conception de la monnaie ? Devenir un instrument monétaire ordinaire ? Remplir les fonctions traditionnelles d’une monnaie (unité de compte, moyen d’échange, réserve de valeur) ?
Comment fonctionne-t-il ?
La valeur d’un stablecoin est encadrée par un mécanisme de fixation de prix. Il doit s’écarter le moins possible de la valeur de ce sur quoi il s’appuie (son « actif sous-jacent ») :
- le stablecoin « fiat backed » s’appuie sur la valeur d’une monnaie nationale. L’immense majorité des stablecoins s’appuient l’US Dollar, voire sur un panier de devises,
- le « commodity backed » stablecoin s’appuie sur un panier d’autres actifs comme l’or, ou les matières premières. Par exemple, la “jetonisation” d’un baril de pétrole permet d’échanger le droit à ce baril sans livraison physique. À tout moment, le détenteur du jeton pourrait théoriquement demander le baril de pétrole sous forme physique,
- les stablecoins adossés à une autre cryptomonnaie. Le principe est le même que les stablecoins “fiat backed”. La grande différence entre les deux concepts est que, en monnaie fiduciaire, la garantie se fait en dehors de la blockchain, alors qu’ici, la garantie utilisée se fait sur la blockchain, en utilisant les “contrats intelligents” (ou “smart contracts”), base de la DeFi (finance décentralisée).
- les stablecoins “non adossés”, de conception arithmétique sur la blockchain. Leur valeur stable est maintenue par un algorithme qui gère l’offre et la demande afin d’éviter la volatilité. L’entreprise qui l’émet utilise des algorithmes pour contrôler la quantité (“masse monétaire”) de cryptomonnaie stable émise, de la même façon que le fait une banque centrale en matière d’impression et de destruction de monnaie. Ce type de cryptomonnaies stable est cependant assez peu répandu. La crypto “Basis” en est un exemple.
À quoi sert un stablecoin ?
Quand une personne achète des stablecoins à une entreprise émettrice, celle-ci investit l’argent de la vente des jetons dans des actifs sûrs (comme de la dette publique américaine de court terme). Cela permet de rembourser très rapidement les détenteurs de jetons lorsque ceux-ci souhaitent les revendre. Autrement dit, acheter des stablecoins est un peu comme investir dans un fonds de placement. (qui achèterait de la dette américaine en contrepartie).
Quelles sont les forces et avantages du stablecoin ?
Pour l’écosystème financier et les investisseurs, les stablecoins présentent plusieurs avantages. Ils sont stables, facilitent des transactions rapides et peu chères, et surtout, offrent un refuge contre la volatilité des cryptos sans “sortir” de l’univers crypto. Ils servent ainsi de lien entre la finance traditionnelle et l’univers crypto. Les stablecoins ont aussi d’autres avantages, notamment d’adaptation aux crises et à l’inflation :
- les incertitudes, et/ou la volatilité des marchés sont une opportunité pour les stablecoins adossés à des devises stables. En effet, ces stablecoins peuvent aider à se couvrir de l’instabilité.
- dans les pays à forte inflation (Brésil, Turquie, etc.) l’explosion des taux d’inflation rend difficile l’accès à des devises stables. Les stablecoins permettent de passer outre la dévaluation de la monnaie et faire face à l’hyperinflation ou la perte de valeur réelle.
- les habitants de régions en crise peuvent protéger leur patrimoine avec des stablecoins, et même faire des transactions vers d’autres pays, puisque les jetons :
- ne sont liés à aucun système de transaction national ou supranational,
- peuvent être échangés sur différentes bourses en ligne sans grand contrôle.
- enfin, le stablecoin peut aussi servir de moyen de paiement aux populations « non bancarisées » ayant accès aux téléphonies mobiles. Les personnes sans coordonnées bancaires peuvent en effet acheter des biens via leur smartphone et les payer numériquement. Le token numérique résout ainsi des questions sociétales comme l’inclusion financière.
… et ses faiblesses et inconvénients ?
Néanmoins, les stablecoins posent aussi de graves problèmes :
- le manque de confiance,
- l’interdiction d’échange de certains actifs cryptographiques en monnaies fiduciaires par de nombreuses institutions financières,
- leur potentiel effet inflationniste,
- et surtout un manque de contrôle et de régulation.
Le manque de confiance
Aujourd’hui, le principal risque des stablecoins réside dans le manque de confiance sur la contrepartie des actifs réels qui les garantissent. Il n’existe pas de réglementation globale, pas de contrôles ni d’audits légaux, pas non plus de certification de la sécurité des processus des émetteurs. Les investisseurs peuvent donc se demander si le stablecoin qu’ils achètent est réellement adossé au montant d’une monnaie fiduciaire ou des matières premières annoncées en garantie…. Et si ces réserves sont suffisantes pour garantir tous les jetons en circulation…
Aucune régulation (interne ou externe) ne donne aux crypto-investisseurs la certitude que leur argent numérique est investi en toute sécurité ou qu’il peut être remboursé n’importe quand au prix promis. Différents scandales ont en effet “refroidi” l’ardeur des investisseurs au fil des années.
Un risque d’effet inflationniste
Sans contrôle officiel, aucune certitude non plus sur le nombre de stablecoins en circulation chez une entité émettrice. Or la plupart des émetteurs de stablecoins sont aujourd’hui privés. Ces systèmes de paiement échappent ainsi au contrôle des banques centrales, pourtant gardiennes de la monnaie et des devises.
Que se passerait-il si les émissions de stablecoins explosaient ? N’y aurait-il pas risque d’inflation et de dévaluation, face à une multiplication de la monnaie en circulation ?
Un danger systémique
Comme vu plus haut dans cet article, la contrepartie des stablecoins achetés est réinvestie – à court terme – dans des valeurs réputées “sûres”, comme la dette américaine. Mais que se passe-t-il si la demande ou l’offre explose soudainement face à un afflux de demandes ? La valeur de cet actif ne risque-t-elle pas des variations importantes ? Et, sur un plan purement conceptuel, les stablecoins privés pourraient-ils un jour concurrencer les monnaies souveraines ?
On peut aussi imaginer que la contrepartie des stablecoins achetés ne soit pas réinvestie à 100% dans des valeurs “sûres”, mais qu’elle développe un nouveau marché financier de prêts, en élargissant considérablement, par effet de levier, le marché financier actuel….
Un autre “danger de fuite” vers les stablecoins est l’attrait des investisseurs pour certaines plateformes cryptos qui permettent, lorsqu’ils y déposent des stablecoins, de générer des intérêts.
Aujourd’hui, le montant des stablecoins reste encore faible au regard de l’ensemble des actifs du marché et des montants de monnaie fiduciaire en circulation. Mais que se passerait-il si cette part augmentait sensiblement ?
Contrôle et régulation du stablecoin
Face à la croissance exponentielle du marché des stablecoins et aux risques qu’ils représentent pour la stabilité financière, les régulateurs mondiaux ont intensifié leurs efforts d’encadrement. Car ces actifs opèrent parfois dans des vides juridiques.
L’Union européenne (UE) a été la première à présenter un large éventail de prescriptions réglementaires pour encadrer ces nouveaux marchés. (crypto-monnaies non garanties, stablecoins, crypto-portefeuilles, crypto-bourses, etc.). C’est le MiCA (Markets in Crypto-Assets).
Aux États-Unis, le Genius Act (Guiding and Establishing National Innovation for U.S. Stablecoins Act), qui devait entrer en vigueur en Juillet 2025, a été retardé.
Les objectifs principaux de ces initiatives réglementaires sont de protéger les consommateurs :
- d’établir des normes de capital et de liquidités,
- d’imposer des exigences de transparence sur les réserves,
- de clarifier les responsabilités des émetteurs envers les détenteurs de tokens.
Les Monnaies Numériques de Banque Centrale (MNBC)
Par ailleurs, les Banques Centrales créent ou envisagent de créer leurs propres monnaies numériques, les MNBC, (en anglais CBDC, pour Central Bank Digital Currency). Le Franc numérique de la Banque Nationale Suisse, l’Euro numérique de la BCE, etc. . D’autres pays (Chine, Brésil, Turquie) mettent aussi en place leurs propres stablecoins, avec leurs propres règles et législations.
L’euro numérique, qui pourrait voir le jour prochainement pour le grand public, doit venir compléter les espèces et les paiements électroniques existants. Il fait partie aussi d’une stratégie visant à réduire la dépendance de l’Europe aux infrastructures de paiement étrangères (Visa, Mastercard).
Ces MNBC viendront-elles contrebalancer les monnaies numériques privées, essentiellement basées sur l’USD, et en conséquence diminuer la suprématie de la monnaie américaine ?
Qui sont les principaux acteurs de stablecoins ?
- Le pionnier (2014) est le Tether (USDT) de la société iFinex, qui reste le plus utilisé, en dépit de controverses récurrentes au sujet de ses réserves.
- L’USD Coin (USDC), créé en 2018 par Circle, affiche des audits réguliers,
À noter que ces deux sociétés ont lancé des monnaies stables basées sur l’euro. Circle avec l’EUROC (juin 2022), et Theter avec l’EURT.
- Le DAI, de MakerDAO, s’appuie sur des garanties en cryptomonnaies.
Certains modèles algorithmiques ont montré leurs limites lors de crises, comme l’effondrement spectaculaire de Terra (UST) en 2022.
Le projet d’Internet « Diem », de META (anciennement FaceBook), adossé à un panier de devises, a rencontré l’opposition de la FED, et META en a vendu la technologie et la propriété intellectuelle à une banque en 2022.
Cet article vous a été utile ? Dites-le nous dans les commentaires ci après ! Retrouvez aussi nos autres articles sur le blog de Valoxy :