Le travail en prison

Le gouvernement souhaite relancer le travail en prison. La loi pour la confiance dans l’institution judiciaire, du 22 Décembre 2021, a instauré le contrat d’emploi pénitentiaire (CEP). Il s’agit d’un nouveau dispositif d’embauche, effectif depuis le 1er Mai 2022. Il est à noter que l’objectif recherché est de faciliter la réinsertion future des détenus.

Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, détaille ici ce nouveau contrat de travail, et les possibilités proposées aux entreprises.

Objectifs

La loi du 8 avril 2021 traitait du droit au respect de la dignité en prison, afin de “redonner du sens à la peine d’emprisonnement”.

La loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a créé le contrat d’emploi pénitentiaire (CEP).

Le décret n°2022-655 du 25 avril 2022 “relatif au travail des personnes détenues” est entré en vigueur le 1er mai 2022. D’une façon générale, il précise le régime juridique du nouveau contrat d’emploi pénitentiaire, et modifie le code pénitentiaire en conséquence.

Le contrat d’emploi pénitentiaire (CEP) 

Il remplace l’acte d’engagement unilatéral créé par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui n’était qu’une prérogative réglementaire. Le CEP est maintenant une véritable relation contractuelle entre la personne détenue et son employeur. (un chef d’établissement pénitentiaire ou une entreprise).

Le décret n°2022-655 du 25 avril 2022 précise le régime juridique du nouveau contrat d’emploi pénitentiaire. Celui-ci s’aligne sur de nombreuses dispositions du Code du travail, tout en prenant en compte les spécificités de la condition de détenu. (D’où par exemple la rédaction, annexée au contrat, d’une convention tripartite).

Jusqu’à présent, l’acte unilatéral d’engagement ne proposait pas de véritable garantie, ne rémunérait que faiblement, et n’offrait aucune réelle protection.

Le contrat d’emploi pénitentiaire, au contraire, améliore les conditions juridiques de travail. Effectivement, il octroie aux détenus des droits sociaux qui permettront de favoriser, par la suite, leur réinsertion professionnelle. Le législateur y voit aussi le fait de “redonner du sens à la peine d’emprisonnement”, pour “préparer les conditions de son employabilité”. (Voir à ce sujet le site du Service public sur le travail en prison.)

Mise en place

Le CEP, signé dans les 2 jours ouvrables suivant la prise de poste, régit tous les aspects du travail de la personne détenue. Il comporte toutes les mentions obligatoires d’un contrat de travail. (durée, renouvellement éventuel, description du poste de travail, rémunération, etc.). Il peut être signé pour une durée indéterminée (type CDI), ou déterminée (type CDD). Dans ce cas, il doit comporter, dès sa conclusion, une date de fin ferme et précise. (Sauf en cas de remplacement d’un détenu absent ou dont le contrat a été suspendu).

Il ne peut être signé pour remplacer durablement un emploi permanent, mais seulement pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et uniquement dans les cas suivants :

  • Remplacement d’une personne détenue en cas d’absence ou de suspension de contrat,
  • Accroissement temporaire de l’activité (sauf dans les 3 mois suivant une résiliation pour motif économique),
  • Poste à caractère saisonnier.

Droits

Le CEP respecte les 35 heures hebdomadaires, et donne accès aux droits sociaux (assurance-chômage, accidents du travail, maladies professionnelles, etc.). Il ‘agit d’une nouveauté dans le milieu carcéral. Le règlement spécifique à chaque activité professionnelle et la grille de rémunération devront être affichés sur les lieux de travail.

Suspension et résiliation

Le CEP peut être suspendu par l’entreprise, et par le service général de la prison. Il peut être résilié, de façon amiable ou contentieuse, par le détenu travailleur, par le service général de la prison ou par l’entreprise. La procédure de résiliation varie en fonction du nombre de CEP résiliés sur une période de 30 jours. (Supérieur ou inférieur à 10 CEP).

Convention tripartite

Le CEP est complété par une convention (tripartite) qui définit les obligations respectives :

  • de l’établissement pénitentiaire,
  • de la personne détenue,
  • de l’entreprise qui propose le travail le cas échéant.

 Pour les entreprises : 

Le CEP bénéficie de démarches administratives allégées

L’État s’occupe de tout. Dans les faits, un contrat unique lie l’entreprise à l’établissement pénitentiaire. Celui-ci gère les recrutements, s’occupe de la paie des détenus et prend en charge les relations avec les organismes sociaux.

La loi rappelle cependant le contrôle permanent qu’exerce l’administration pénitentiaire sur le travail de la personne détenue.

Le CEP a un coût avantageux

  • Premièrement, le coût est attractif pour l’employeur. Le salaire horaire à la charge de l’entreprise s’élève à 45 % du SMIC.
  • Deuxièmement, les cotisations sociales sont réduites. Si le détenu est affecté au fonctionnement des services généraux de l’administration pénitentiaire, la cotisation vieillesse salariale et patronale est prise en charge par l’administration.

Les espaces de travail mis à disposition des entreprises sont gratuits

Le service de l’emploi pénitentiaire dispose aujourd’hui de plus de 50 espaces de travail en milieu carcéral, qui se répartissent dans 30 prisons sur tout le territoire.

L’employeur peut intégrer cette action d’insertion dans sa démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises).

 Pour les détenus 

Classement au travail

La personne détenue qui souhaite travailler demande à l’administration pénitentiaire à être “classée au travail”. Cette demande, et la demande d’affectation sur un poste, se font par lettre adressée au chef de l’établissement pénitentiaire. Celui-ci se prononcera – positivement ou négativement – sur cette demande, et présentera les motifs de sa décision.

Affectation

En cas d’avis favorable, la personne détenue peut ensuite être recrutée par le service général de la prison (ou par une entreprise extérieure). L’administration pénitentiaire organise des entretiens professionnels entre le service, l’entreprise, ou la structure chargé de l’activité de travail. Selon les résultats de ces entretiens, l’entreprise sélectionnera ensuite elle-même les personnes détenues qu’elle souhaite recruter parmi les personnes “classées au travail” qui ont postulé à sa proposition.

Le chef d’établissement prend alors, le cas échéant, une décision d’affectation sur un poste de travail, au travers d’un contrat d’emploi pénitentiaire (CEP).

Ce contrat garantit les droits du détenu travailleur en ce qui concerne la rémunération, les conditions de travail, le licenciement et la protection sociale.

Les différents “régimes” du CEP

Le détenu travailleur peut contracter sous différents régimes. Voir le site du service Public sur le travail en prison :

  • Le régime du service général de la prison, pour des travaux d’entretien des locaux et des tâches nécessaires au fonctionnement de l’établissement. (entretien des locaux, lavage du linge, etc.)
  • La régie industrielle des établissements pénitentiaires (Riep), sous le contrôle direct de l’administration pénitentiaire, dans des ateliers gérés par le service de l’emploi pénitentiaire (SEP). Ces ateliers produisent des biens et des services vendus à l’extérieur par l’administration.
  • La concession, pour le compte d’une entreprise privée. L’administration pénitentiaire conclut un contrat avec une entreprise qui installe ses ateliers dans les locaux de la prison. L’entreprise est alors gestionnaire et organisatrice du travail.
  • La gestion déléguée, qui concerne, dans certains établissements, la restauration, la maintenance des locaux, la gestion du travail des personnes détenues, etc. Dans ce cas, l’entreprise est alors gestionnaire et organisatrice du travail, comme dans le cas des entreprises concessionnaires.
  • Le régime de placement à l’extérieur, sous surveillance du personnel pénitentiaire. Les personnes condamnées peuvent, dans certains cas, être employées en dehors de la prison, mais sous le contrôle de l’administration. Ce régime ne concerne cependant que les détenus qui présentent des garanties suffisantes pour la sécurité et l’ordre public.

La rémunération

La rémunération minimale horaire du travail accompli dans le cadre d’un CEP est de :

  • 45% du Smic pour les activités de production, soit 4,98 € au 1er Août 2022,
  • 33% du Smic pour le service général, classe I, soit 3,65 € au 1er Août 2022, (ouvriers qualifiés disposant de bonnes connaissances professionnelles, et pouvant faire preuve d’autonomie et de responsabilité),
  • 25% du Smic pour le service général, classe II, soit 2,77 € au 1er Août 2022, (appui aux professionnels qualifiés, possédant des compétences particulières ou des connaissances professionnelles de base, acquises par formation et/ou expérience),
  • 20% du Smic pour le service général, classe III, soit 2,21 € au 1er Août 2022, (tâches simples ne nécessitant pas de connaissances professionnelles particulières, et pour lesquelles la productivité et le savoir-faire peuvent s’acquérir rapidement).

Droits sociaux

Le détenu au travail bénéficie de la plupart des mêmes droits sociaux qu’un salarié lambda. A savoir : assurance chômage, retraite complémentaire, assurances maladie, maternité, invalidité et décès, ainsi que versement d’indemnités journalières au titre des accidents du travail ou de maladie professionnelle.

La continuation du contrat

Le grand intérêt du CEP pour les travailleurs détenus réside dans le nouvel article 719-11 du code de procédure pénale. Celui-ci prévoit en effet la possibilité de maintien du contrat de travail à l’issue de la détention, afin de garantir une meilleure insertion professionnelle.

Particularités

Le CEP reste toutefois un contrat “différent” du contrat de travail classique.

Les rémunérations sont versées à l’établissement pénitentiaire, sauf si le juge de l’application des peines en a décidé autrement. L’établissement pénitentiaire prélève les cotisations sociales, patronales et salariales et les reverse aux organismes de recouvrement. Il approvisionne ensuite le compte nominatif du détenu travailleur.

En cas de litige entre le détenu et l’employeur, c’est le juge administratif, et non le juge judiciaire, qui sera compétent. (article 719-13 du code de procédure pénale).

Enfin, le droit à la prime d’activité du détenu travailleur est suspendu pendant la période d’incarcération.

Avancée ou régression sociale ?

L’observatoire des prisons salue certaines avancées de la loi, mais reste très critique. Cela à cause de la rémunération horaire toujours très faible, de l’absence d’indemnités chômage en cas de chômage technique, d’indemnités pour maladie non professionnelle ou encore de congés payés. En effet, les prisonniers n’ont droit à aucune forme d’expression collective, ni de représentation syndicale. Ils ne peuvent pas non plus alerter l’inspection du travail de manière confidentielle. De plus, la majorité des travaux proposés sont répétitifs et non qualifiants. Enfin, le nombre de postes proposés reste très inférieur à la demande.

 

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