Que se passe-t-il quand on en vient à dépasser les seuils de l’auto-entreprise ? L’auto-entrepreneur exerce son activité dans le cadre d’une entreprise individuelle simplifiée. Et l’auto-entreprise qu’il crée est la combinaison de trois statuts :
- une forme juridique simple : l’entreprise individuelle (EI)
- un régime social du dirigeant simplifié : le micro social,
- un régime fiscal simplifié : le régime de la micro-entreprise.
Cependant le régime de l’auto-entreprise n’est possible que si l’entreprise ne dépasse pas un certain montant de chiffre d’affaires.
Quelles sont les conséquences de ces trois régimes sur le fonctionnement d’une auto-entreprise ? Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, revient dans cet article sur les conséquences des différents régimes social, fiscal de l’auto-entreprise.
Distinguer la forme juridique d’une entreprise et le statut d’entrepreneur individuel
Les premières (SARL, SAS, SA, EURL, associations, etc.) sont des entités juridiques indépendantes (ce sont des personnes morales), qui disposent d’un patrimoine et d’une personnalité propres, distincts du patrimoine ou de la personnalité du ou des dirigeants. Les secondes (EI ou les EIRL) dont fait partie l’autoentreprise, ne sont qu’un statut sous lequel va exercer l’entrepreneur. Juridiquement, l’entreprise et l’entrepreneur ne font qu’un. Le patrimoine de l’entrepreneur se confondra avec celui de l’entreprise. Cependant, pour « se protéger et protéger sa famille », l’autoentrepreneur peut « séparer » ses biens. Il en affectera ainsi une partie à son activité professionnelle, dans le cadre de l’EIRL.
1. L’autoentreprise :
Rappel sur le fonctionnement de ce statut
1.1 Sur le plan juridique
Pour bénéficier du statut d’autoentrepreneur, il faut créer une entreprise individuelle (EI) ou une Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée (EIRL). Il n’y a donc pas de création d’une société (avec une personnalité propre). En entreprise individuelle (EI), la responsabilité est indéfinie et solidaire. Elle n’est pas limitée aux apports comme en cas d’une société (SAS, SARL). L’EIRL vient limiter la responsabilité du gérant en créant deux patrimoines distincts après quelques formalités que nous vous recommandons fortement.
1.2 Sur le plan fiscal
Le régime fiscal de la micro-entreprise n’est possible que sous certaines conditions de chiffre d’affaires (Hors Taxes).
Depuis 2020, le seuil est de 176.200 € pour les entreprises ayant une activité de vente de biens ou d’hébergement.
Il est de 72.600 € pour les prestataires de services et les professionnels libéraux.
TVA
En bénéficiant de ce régime, l’autoentrepreneur est en franchise de TVA, et ne va pas déduire ni collecter la TVA. Ses factures ne vont donc pas mentionner la TVA (ce qui a pour effet de minorer son prix de vente s’il vend à des particuliers).
De plus, il bénéficie d’une exonération de la taxe foncière la première année.
versement libératoire
L’auto-entrepreneur peut également bénéficier sous certaines conditions d’un versement libératoire à l’Impôt sur le Revenu. Pour en bénéficier (en 2020), il faut que le revenu fiscal de référence de 2018 n’excède pas 27 519 € par part de quotient familial. Dans ce cas, le gérant verse tous les mois ou tous les trimestres un pourcentage de son chiffre d’affaires à l’administration fiscale et en retour il n’a plus d’autre déclaration fiscale à remplir.
Le pourcentage du versement libératoire varie selon l’activité, 1% pour les activités de ventes de marchandises, 1.7% pour les activités de prestations de services commerciales ou artisanales, 2.2% pour les autres prestataires de services et pour les professions libérales.
Si l’auto-entrepreneur ne peut pas ou ne souhaite pas bénéficier du versement libératoire, il doit alors déclarer son chiffre d’affaires sur la 2042 C PRO (lors de la déclaration de l’IR en plus de l’imprimé 2042).
Sur ce chiffre d’affaires, un abattement va venir s’appliquer. Le pourcentage d’abattement dépend de l’activité, 71% pour la vente de marchandises, 50% pour la prestation de services, 34% pour les professions libérales. Le chiffre d’affaires après abattement donne le montant imposable à l’IR.
1.3 Sur le plan social
L’auto-entrepreneur peut également bénéficier du régime micro-social simplifié. Les cotisations sociales représentent alors un pourcentage du chiffre d’affaires différent selon la nature de l’activité.
Il est de 12,80% pour une activité de vente de biens, de 22% pour les professions libérales à la CIPAV et les prestataires de services.
1.4 Les obligations administratives
En auto-entreprise les formalités sont limitées, le chiffre d’affaires doit être déclaré tous les mois ou tous les trimestres afin que soient calculés les charges sociales et le prélèvement libératoire à l’Impôt sur le Revenu.
Les obligations comptables se limitent au suivi des dépenses et des recettes de l’entreprise (ce qui peut être fait sous Excel).
2. En cas de dépassement des seuils
Le dépassement des seuils mentionnés plus haut entraîne la perte du régime de l’autoentrepreneur. Cela est à priori une bonne nouvelle puisque l’activité a réussi à générer un chiffre d’affaires conséquent sur l’année. Mais cela va également entraîner de nombreux changements aux niveaux fiscal et social qui doivent être anticipés afin d’éviter de venir perturber le développement de l’entreprise.
2.1 Les conséquences fiscales
La perte du régime fiscal de la microentreprise entraîne la fin du dispositif de franchise de TVA. L’entreprise devra donc collecter et pourra déduire la TVA.
nature des clients
Les conséquences sont alors différentes selon la nature des clients. Si les clients sont des professionnels la perte de la franchise de TVA n’entraîne pas de changement. Certes les prix pour l’acheteur seront majorés (de 20% dans la plupart des cas), mais cette majoration correspond à de la TVA que l’entreprise cliente pourra déduire (diminuant ainsi sa propre TVA à payer). L’opération est donc neutre fiscalement.
En revanche, si les clients sont des ménages, alors la TVA va venir majorer le prix de vente et augmenter les prix. Deux solutions sont alors possibles, soit l’entreprise augmente ses prix au risque de perdre des clients (le prix passe de 100 € à 120 € pour prendre en compte une TVA à 20%), soit elle diminue ses prix afin que le client ne voie pas la différence. Le prix passe de 100 € à 83.33 € HT, ainsi le prix TTC est toujours de 100 € (83.33 x 1.2). Cette solution évite de perdre des clients mais, outre qu’elle diminue le rendement de l’entreprise, elle n’est parfois pas possible si le prix de revient est supérieur au prix de vente.
La perte de la franchise de TVA peut néanmoins avoir quelques avantages. En effet si l’entreprise doit collecter de la TVA, elle peut également en déduire. Lorsqu’elle faisait un achat en franchise de TVA, elle ne pouvait déduire la TVA. Or en cas d’achat important (lorsque l’entreprise procède à des investissements) la TVA déductible est supérieure à la TVA collectée (l’entreprise a fait plus d’achats que de ventes) et elle peut demander à l’administration fiscale de lui rembourser la différence.
Cette option permet de limiter le coût des investissements.
Le régime réel simplifié
Lorsque le chiffre d’affaires dépasse les seuils de la franchise de TVA (176 200 € ou 72 600 €) mais qu’il ne dépasse pas 818 000 € pour la vente de biens et 247 000 € pour les prestations de services (seuil du régime normal), le régime de TVA est celui du Réel Simplifié.
Dans ce cas, la TVA est calculée une fois par an mais le redevable doit acquitter deux acomptes au cours de l’année. Un premier acompte de 55% (payé en N) à partir de la TVA due pour l’exercice précédent (N-1) est payé en juillet, un autre acompte de 40% est payé en Décembre. Une régularisation annuelle a lieu en avril N+1 lorsque la TVA de N est connue. Si l’entreprise a payé trop de TVA, l’administration lui rembourse la différence.
En ce qui concerne l’imposition
En auto-entreprise, il est possible de bénéficier d’un prélèvement forfaitaire libératoire à l’Impôt sur le Revenu. Il n’y alors pas de résultat fiscal à calculer ni de déclaration à remplir. Dans le cas contraire, le résultat est calculé automatiquement en appliquant un abattement sur le chiffre d’affaires.
Avec la perte du régime de l’auto-entreprise il est nécessaire de connaître précisément les dépenses de l’entreprise (il n’y a plus d’abattement automatique). Cela nécessite plus de suivi des dépenses et l’apparition d’obligations comptables.
Si l’activité est exercée sous la forme d’une EIRL, il est alors possible d’opter pour l’Impôt sur les Sociétés. Cette option n’est pas possible pour les EI. Dans ce cas, la rémunération du gérant est une charge déductible imposée à l’IR. Le résultat de l’entreprise est imposé à l’IS (15% jusqu’à 38 120 €, 33.1/3 % au-delà). Le gérant peut également prélever des dividendes sur le résultat net d’impôt.
Le choix entre l’IR et l’IS dépend de nombreux facteurs comme la capacité de l’entreprise à générer du bénéfice, ou les revenus fiscaux du foyer… Cette question doit donc se poser en amont pour que le gérant puisse faire le bon choix et anticiper un dépassement de seuil.
2.2 Les conséquences sociales
Une fois que le régime du Micro Social Simplifié ne s’applique plus, le mode de calcul des cotisations sociales change.
Cela va entraîner une augmentation des charges sociales. En effet celles-ci peuvent varier entre 12,80% et 22% . Sous le régime du micro-social, elles vont passer à 45%.
La différence peut paraître énorme mais dans le régime du micro-social les cotisations sont calculées sur le chiffre d’affaires alors qu’au RSI les cotisations sont calculées sur la rémunération du gérant.
Les charges sociales calculées par le RSI arrivent avec un décalage par rapport à l’activité de l’entreprise ce qui peut les rendre difficile à anticiper.
Exemple
De plus sous le régime du RSI, des cotisations sociales plancher sont exigées même en l’absence de rémunération.
Les obligations administratives
Lors du passage de l’autoentreprise à l’entreprise, les obligations administratives vont s’alourdir. En effet, nous avons vu que pour calculer le résultat de l’entreprise il était nécessaire de connaître précisément les dépenses. Une plus grande rigueur dans la gestion comptable est donc nécessaire (garder les justificatifs des dépenses, s’assurer que celles-ci soient bien réalisées dans l’intérêt de l’entreprise…).
Si le chiffre d’affaire est inférieur à 818 000 € pour les ventes de biens, ou inférieur à 247 000 € pour les prestataires de services, l’entreprise doit tenir une comptabilité de trésorerie (et comptabiliser les créances et les dettes lors de la clôture de l’exercice).
Pour les professions libérales la comptabilité de trésorerie est toujours autorisée sans limite de chiffre d’affaires.
2.3 Les conséquences sur le statut juridique de l’ autoentreprise
La perte du statut d’autoentrepreneur n’entraîne aucun changement dans le statut juridique. Il est tout à fait possible de continuer à exercer son activité sous la forme d’une EI ou d’une EIRL même si les seuils entraînant la perte du régime de la micro-entreprise et du micro social sont dépassés.
Cependant il peut être intéressant pour l’autoentrepreneur de réfléchir à la pertinence de son statut juridique.
Le statut juridique de l’EI ou de l’EIRL est adapté pour les Très Petites Entreprises. L’absence de création d’une personne morale permet de simplifier la gestion de la comptabilité. En effet les dépenses privées peuvent passer par le compte 108. Elles ne sont pas considérées comme des charges mais elles sont neutralisées facilement. En société (SARL, SASU…) les dépenses privées ne sont pas autorisées. (à moins que le gérant/associé ne dispose d’un compte courant créditeur sur lequel ces dépenses viendraient s’’imputer).
Les inconvénients de l’EI résident d’une part dans la responsabilité indéfinie du solidaire. Cet inconvénient peut être en partie corrigé par la création d’une EIRL. De plus, la loi Macron empêche maintenant la saisie de la résidence principale. D’autre part, il n’est pas possible de faire rentrer de nouveaux associés. Or, en cas de croissance, le recours à une augmentation de capital est souvent un moyen de financer le développement de l’entreprise.
Enfin, en restant en EI ou en EIRL, le gérant est soumis au RSI. Le gérant peut souhaiter passer en SASU afin de bénéficier du statut d’assimilé salarié. Il obtient ainsi une protection sociale plus complète et évite certains des inconvénients du RSI.
Conclusion
Le dépassement des seuils entraîne la perte du régime du micro social simplifié et de la micro-entreprise. C’est donc une étape importante dans le développement d’une entreprise individuelle. Il va profondément changer le rapport de l’entreprise vis-à-vis de la fiscalité et des charges sociales. Cela entraînera de ce fait des obligations administratives plus lourdes. Pour faire face à ces changements, l’autoentrepreneur ne doit pas hésiter à se faire accompagner. Ainsi, il pourra anticiper le dépassement des seuils et faire en sorte que la transition se fasse en douceur.
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