Jurisprudence sociale 2023

La jurisprudence sociale 2023 représente l’ensemble des décisions rendues par les juges dans le domaine du droit social en 2023. Elle illustre la manière dont le droit social est interprété à un moment donné. Elle peut donner lieu à des évolutions du droit du travail, voire à des modifications du Code du travail.

Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, reprend dans cet article les faits les plus marquants de l’année 2023. Présentées lors du petit déjeuner Valoxy qui a eu lieu le 21 Novembre dernier, ces informations vous aident à mieux comprendre les (nouvelles) règles et leur impact sur votre société.

Congés payés et arrêt maladie : revirement de la jurisprudence

Depuis des  années, le Droit du travail français était en contradiction avec le Droit européen en matière d’acquisition de congés payés en cas de suspension du contrat de travail. Dans plusieurs arrêts rendus le 13 septembre 2023, la Cour de cassation a décidé de mettre en conformité le droit français avec le droit de l’Union Européenne et a ainsi opéré plusieurs revirements de jurisprudence majeurs en matière :

  • d’acquisition des congés payés pendant les arrêts de travail des salariés ;
  • de prescription des CP.

Calcul des CP

Ainsi, avant le 13/09/2023, l’article L3141-3 et 5 du Code du Travail excluait pour le calcul des CP :

  • les périodes d’absence pour maladie non professionnelle
  • les périodes d’absence pour AT/MP au delà de un an

La décision de la Cour de Cassation sociale du 13 septembre 2023 (n°22-17-340) porte que le salarié va acquérir des congés payés pendant toute la période d’arrêt pour maladie non professionnelle et durant les périodes d’AT/MP, y compris au delà d’un an.

Voir aussi sur le sujet notre article Arrêt de travail et droits à congés, sur le blog de Valoxy.

Congé parental d’éducation

Avant le 13/09/2023, les juges considéraient que la décision d’un salarié de bénéficier d’un congé parental d’éducation s’imposait à l’employeur. De ce fait, le salarié avait lui-même rendu impossible l’exercice de son droit à CP. Et en conséquence, le salarié ne pouvait prétendre à une indemnité compensatrice de CP non pris, puisqu’ils étaient perdus. (Soc. 01-46-314, 20/01/2004).

La décision de la Cour de Cassation sociale du 13 septembre 2023 (n°22-14-043) porte que “lorsque le salarié s’est trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de la période de référence en raison de l’exercice de son droit au congé parental, les congés acquis à la date du début du congé parental doivent être reportés après la date de reprise du travail”.

Délai de prescription des congés

Avant le 13/09/2023, l’article L3141-3 et 5 du Code du Travail établissait que le point de départ du délai de la prescription devait être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les CP auraient pu être pris.

La décision de la Cour de Cassation sociale du 13 septembre 2023 (n°22-10-529) ne change pas le point de départ de la prescription, mais conditionne le délai à “la justification par l’employeur d’avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement, afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé. Et, à défaut d’action de l’employeur, le délai ne court pas”.

Les « diligences légales » en matière de CP, signifient qu’il faut :

  • Informer le salarié de la période de prise des CP (au moins 2 mois avant l’ouverture de la période de prise des congés payés). Par exemple, si la période retenue commence le 1er mai, l’information des salariés doit avoir lieu avant le 1er mars ;
  • Informer les salariés de l’ordre des départs en congés (au moins 1 mois avant le départ) ;

Il est important de conserver une trace de ces informations. (comme moyen de preuve).

Les questions que l’on se pose suite à ce « tsunami » jurisprudentiel

  • Compte tenu de l’importance que peut représenter ce “stock” de congés non pris acquis “nouvellement” par cette jurisprudence, peut-on imposer à un salarié malade de prendre ses congés lors de la reprise du travail ?
    • Oui, à condition de respecter un délai de prévenance d’un mois (Articles L3141-16 et D3141-6 Code du travail).
  • La maladie est-elle considérée comme du temps de travail effectif pour le calcul de diverses primes liées à du temps de travail effectif ou assimilées comme tel (prime annuelle de vacances) ?
    • En principe non sauf si une clause renvoie directement à l’acquisition de CP.
  • Cette jurisprudence a-t-elle un effet rétroactif ?
    • OUI ! Cela signifie que l’application de cette mesure ne débute pas à compter du 13 septembre 2023. Par exemple, un salarié malade depuis 1 an au 13 septembre 2023 pourra réclamer des congés depuis le début de son arrê
  • Doit-on, et comment, régulariser ces congés payés ?

    • Sur cette question, la réponse n’est pas tranchée, et il existe des positions différentes (délai de prescription). Dans l’attente d’une position ferme du législateur, il appartient à chaque employeur de mesurer ses risques et de définir sa propre position (se positionner).
    • A notre sens,
    • Il faut au minimum appliquer cette nouvelle jurisprudence pour la période d’acquisition des congés en cours (donc à compter du 1er juin 2023) ;
    • Si l’entreprise veut éviter les risques de contentieux, et si l’on s’en tient au délai de prescription, il est préférable de régulariser sur une période de trois ans ou du moins provisionner pour, éventuellement, faire face aux condamnations.

La question du report des congés payés

  • Si la maladie d’un salarié dure plusieurs années, le salarié va-t-il pouvoir continuer à acquérir des congés payés et pouvoir les reporter ?
    • En l’état actuel du droit, la réponse est oui.
    • Cependant, il semblerait que l’on se dirige vers une possibilité de limiter le report :
      • Le droit européen admet qu’on puisse limiter le report, dans le temps, des congés non pris du fait d’une maladie. En effet, dans une décision de justice de 2011, la Cour européenne a ainsi admis que le droit européen ne s’oppose pas à ce que des dispositions ou pratiques nationales, telles que les conventions collectives, limitent à une période de report de 15 mois le droit au congé annuel (22 novembre 2011, aff. C.214/10). A l’inverse quelques mois plus tard, elle a considéré que la durée de 9 mois était trop courte, puisqu’inférieure à celle de la période de référence (3 mai 2012, aff. C-337/10).
      • Selon le Code du travail (article L3141-22), l’employeur peut négocier un accord collectif pouvant limiter le report des congés payé Par contre, il n’est pas possible de le faire par décision unilatérale de l’employeur.
      • On attend également une réponse du législateur sur cette question.

Défaut d’entretien annuel : manquement à l’obligation de sécurité

(Cass soc, 13/03/2023)

L’absence de suivi de l’employeur  au travers d’entretiens annuels, tant au sujet de la charge de travail que de l’équilibre vie professionnelle/vie perso peut entraîner un manquement à l’obligation de sécurité.

Il est vivement conseillé d’organiser les entretiens avec rapports écrits.

Dépassement des durées maximales de travail

(Cass soc, 11/05/2023)

Le dépassement des durées maximales de travail ouvre automatiquement droit à réparation sans avoir à prouver un préjudice.

Rappel des règles :

  • Les durées maximales de travail prévues par le Code du travail :
  • Par dérogation, la durée maximale sur une semaine peut être augmentée, en cas de circonstances exceptionnelles, jusqu’à 60 heures maximum après accord de l’inspection du travail.
  • Un temps de pause d’au moins 20 minutes après 6 heures de travail.

Aptitude avec réserves : accord nécessaire du salarié

(Cass. Soc 24 mai 2023)

L’épineuse réintégration du salarié déclaré apte avec réserves par le médecin du travail. Les faits :

  • Un directeur marketing (Cadre dirigeant) est déclaré apte par le médecin à reprendre son poste à mi-temps et en limitant son périmètre de responsabilité.
  • L’employeur propose un poste de chargé de mission marketing à temps partiel après approbation de la médecine du travail.
  • Le salarié refuse ce poste […]. Il est licencié pour inaptitude. Mais entre-temps il a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif que la modification lui avait été imposée et constituait un manquement de l’employeur suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts.
  • La Cour de cassation lui a donné raison estimant que l’employeur ne pouvait pas imposer une modification de son contrat de travail (en l’espèce, unerétrogradation assortie d’une diminution de moitié de son salaire, même si l’objectif est de se conformer aux préconisations du médecin du travail).
  • Conséquence :
    • Réserves qui mettent en cause le contrat de travail (mi-temps thérapeutique)
    • Modifications du contrat de travail qui nécessitent l’accord du salarié
    • Accord avec signature d’un avenant

Licenciement économique : communication du motif économique

(Cass. Soc 18 janvier 2023)

La Cour rappelle que le motif économique doit faire l’objet d’une information écrite remise au salarié avant l’acceptation du CSP. (avant l’envoi du bulletin d’acceptation CSP) :

  • convocation à un entretien préalable,
  • Entretien et motif CSP + information orale du motif économique
  • Notification du licenciement à titre conservatoire,
  • Acceptation CSP
  • Envoi du dossier CSP

La lettre précisant le motif économique est à remettre au salarié en même temps que le dossier.

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