La loi PACTE impose de repenser la place des entreprises dans la société, afin que celles-ci contribuent davantage à l’intérêt général. C’est l’objectif de la « Raison d’être » et de la « Société à mission ». En ce sens, elle consacre le droit de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). Elle met aussi en avant la prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux de leur activité.
La loi donne aussi aux entreprises la possibilité de se doter d’une « raison d’être » dans leurs statuts. Elle leur offre également de choisir de devenir une “société à mission”.
Que recouvrent ces notions ? Quelles sont leurs implications ? Quelles sont les obligations réelles des entreprises ? Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, explique dans cet article la “raison d’être” et “société à mission”.
Les textes
La loi 2019-486, relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite Loi Pacte) date du 22 Mai 2019. Ses articles 169 et 176 modifient le droit commun, et notamment le code civil et le code de commerce.
Le Code civil s’ouvre à la “raison d’être”.
Les articles 1833 et 1835 sont désormais chacun complétés par de nouveaux énoncés.
- Article 1833 : Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associé. La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité.
Le Code civil impose ainsi une obligation de moyens pour l’entreprise.
- Article 1835 : Les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l’objet, l’appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement. Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité.
Le Code de commerce crée le nouveau statut de “société à mission”
L’article L. 210-10 précise maintenant “qu‘une société peut faire publiquement état de la qualité de société à mission lorsque les conditions suivantes sont respectées :
- 1° Ses statuts précisent une raison d’être au sens de l’article 1835 du code civil,
- 2° Ses statuts précisent un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux que la société se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité,
- 3° Ses statuts précisent les modalités du suivi de l’exécution de la mission mentionnée au 2°. Ces modalités prévoient qu’un comité de mission, distinct des organes sociaux prévus par le présent livre et devant comporter au moins un salarié, est chargé exclusivement de ce suivi et présente annuellement un rapport joint au rapport de gestion, mentionné à l’article L.232-1 du présent code, à l’assemblée chargée de l’approbation des comptes de la société. Ce comité procède à toute vérification qu’il juge opportune et se fait communiquer tout document nécessaire au suivi de l’exécution de la mission ;
- 4° L’exécution des objectifs sociaux et environnementaux mentionnés au 2° fait l’objet d’une vérification par un organisme tiers indépendant selon des modalités et une publicité définies par décret en Conseil d’Etat. Cette vérification donne lieu à un avis joint au rapport mentionné au 3° ;
- 5° La société déclare sa qualité de société à mission au greffier du tribunal de commerce, qui la publie, sous réserve de la conformité de ses statuts aux conditions mentionnées aux 1° à 3°, au registre du commerce et des sociétés, dans des conditions précisées par décret en Conseil d’Etat.
Par ricochet, ces modifications vont également toucher d’autres codes. Le Code de la Mutualité, celui des Assurances, la Sécurité sociale, le Code rural et de la pêche maritime, etc.
La “raison d’être” de la société
La raison d’être d’une entreprise illustre la façon dont elle entend jouer un rôle dans la société. Et ce, au-delà de sa seule activité économique. Elle fait converger l’intérêt particulier de l’entreprise et l’intérêt général, en donnant plus de sens à son objet social, et une utilité sociale à son activité.
La raison d’être représente le dessein, voire l’ambition de l’entreprise, en affirmant ses valeurs ou des préoccupations de long terme.
Nicole Notat (ancienne secrétaire générale de la CFDT et présidente de Vigeo-Eiris) et Jean Dominique Senard (ex-président du groupe Michelin) avaient été chargés en 2018 par le gouvernement de réfléchir à la question « Entreprise et intérêt général ». Dans leur rapport, ils définissaient ainsi la raison d’être : « La raison d’être permet de joindre le passé au présent. C’est l’ADN de l’entreprise. Elle n’a pas de signification économique, mais relève plutôt de la vision et du sens ».
La notion de “raison d’être” provient du vocabulaire de la stratégie d’entreprise. Elle a vocation à devenir un concept de droit positif.
Son adoption est une faculté, et non une obligation, et elle nécessite de modifier les statuts de l’entreprise.
La « société à mission”
La “société à mission” est une nouvelle forme de société commerciale, et dispose d’un statut spécifique. Au delà de son but “lucratif”, l’entreprise s’engage dans « un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux ». Ces “missions” peuvent être d’intérêt social, scientifique, collectif, à but environnemental, d’innovation, etc. Ainsi, l’objet social n’est pas réduit à la seule recherche de performance financière, comme dans des sociétés dites « à but lucratif ». Des missions telles que la protection de l’environnement, le maintien d’une implantation locale ou encore la revitalisation d’une région, peuvent ainsi figurer dans les statuts. (Voir notre article Une histoire de la RSE)
Quelles que soient leurs formes juridiques, les “sociétés à mission” mettent en place un processus plus complet et plus contraignant que la seule “raison d’être”.
Il faut déclarer le statut de “société à mission” au greffe du tribunal du commerce. Il suppose une démarche particulière, respectant plusieurs conditions. Les enjeux de la mission doivent s’intégrer dans la gouvernance de l’entreprise.
L’exécution des objectifs doit par ailleurs faire l’objet d’une vérification par un organisme indépendant. En effet, il faut contrôler la mission et sa mise en oeuvre pour :
- garantir ses réalisations,
- en rendre compte,
- en évaluer l’accomplissement dans une démarche de transparence.
Implications de “raison d’être” et “société à mission”
La “raison d’être” et “société à mission” impliquent donc de :
- définir la mission de l’entreprise,
- faire adhérer les équipes et le management,
- rendre la mission “concrète” dans tous les niveaux et activités de l’entreprise,
- transformer la gouvernance de l’entreprise.
Ainsi, les organes dirigeants (directoire, conseil d’administration, etc.) doivent impliquer toutes les parties prenantes de l’entreprise que l’activité peut affecter : clients, salariés, fournisseurs, communautés de son environnement, actionnaires, etc.
Ils doivent aussi prendre en compte les enjeux sociaux, environnementaux de l’activité, ainsi que la « raison d’être » de la société dans leurs décisions et dans les orientations stratégiques de l’entreprise. (Retrouvez ces concepts dans notre article Le livre du mois : « Refonder l’entreprise »)
Il faut cependant noter que la loi Pacte ne donne ni définition ni critères fixes pour assurer la conformité de l’entreprise. Il convient donc de se référer aux lois et outils RSE déjà existants, études, référentiels et guides de bonnes pratiques. Medef, Bpifrance, ORSE, ou la “Plateforme RSE”, nombreux sont les organismes qui en ont publié. Ils cernent et définissent les points importants sur lesquels doivent réfléchir les entreprises :
- Cap vers la RSE pour les TPE/PME (Medef)
- Les ODD, c’est pas compliqué ! (Bpifrance)
- La plateforme RSE (France Stratégies)
- Le site de l’ORSE
- Le site du C3D
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