La perte de plus de la moitié du capital fait l’objet d’une réglementation particulière. Celle-ci concerne toutes les entreprises à responsabilité des associés limitée : SARL, EURL, SA, SAS et SCA. Cette perte entraîne l’obligation de réagir au plus vite pour régulariser la situation financière de l’entreprise.
La loi 2023-171 du 9 mars 2023 a modifié les modalités d’apurement des pertes et la procédure de régularisation. Et notamment, les sociétés n’ont plus obligation d’apurer la totalité de leurs pertes. Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, fait le point.
—Le capital social
Dans les sociétés où la responsabilité des associés est limitée vis-à-vis du passif, le capital social constitue la principale garantie financière des parties prenantes. (clients, fournisseurs, partenaires financiers, et salariés).
En cas de pertes, celles-ci viennent grever les capitaux propres de l’entreprise, et réduisent donc cette « garantie ». Lorsque le montant des capitaux propres passe en dessous de la moitié du capital social de la société, il faut suivre suivre une procédure prévue et réglementée par le Code de commerce.
Il s’agit d’alerter les associés, pour les amener à prendre les décisions nécessaires au rétablissement de l’équilibre financier de leur société, ou de la liquider.
Dès lors, la consultation des associés est obligatoire. Il faudra alors statuer sur la dissolution éventuelle de la société. En outre, la réglementation prévoit :
- diverses mesures de publicité
- l’obligation – si la dissolution est écartée – de reconstituer les capitaux propres de la société.
—Les capitaux propres
Pour rappel, les capitaux propres représentent les ressources financières que possède l’entreprise. Ils comprennent :
- Le capital social (somme déposée à la création de l’entreprise notamment),
- Les réserves légales et statutaires (bénéfices antérieurs non distribués),
- Le report à nouveau (bénéfices antérieurs non distribués et non mis en réserve),
- Le bénéfice (+) ou les pertes (-) de l’exercice,
- Les provisions réglementées.
—La consultation des associés lors de la perte de plus de la moitié du capital
En cas de « perte de la moitié du capital », le gérant (SARL, EURL), le conseil d’administration ou le directoire (SA), ou le président (SAS), doit consulter les associés afin de décider s’il faut dissoudre la société de façon anticipée, ou poursuivre, malgré les pertes, l’activité sociale. Cette consultation se fait dans le délai des quatre mois qui suivent l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte.
S’il s’agit d’une SA, il faut consulter l’assemblée générale extraordinaire (AGE).
S’il s’agit d’une SARL, la dissolution ne peut être prononcée qu’à la majorité exigée pour la modification des statuts :
- pour les sociétés constituées avant le 4 août 2005, aucun quorum n’est exigé. Les décisions doivent se prendre par les associés représentant au moins les trois-quarts des parts sociales.
- pour les sociétés constituées après cette date, le vote nécessite un quorum d’un quart des parts et une majorité des 2/3 à la première convocation. (Ou un quorum d’un cinquième des parts et une majorité des 2/3 à la seconde).
Enfin, s’il s’agit d’une SAS, la dissolution ne peut être prononcée que par décision collective des associés. Et ce, dans les conditions prévues par les statuts.
—La publicité sur la perte de plus de la moitié du capital
Quelle que soit la décision (dissolution ou maintien de l’activité), celle-ci doit être :
- publiée dans un journal d’annonces légales,
- déposée au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social, afin qu’il en soit fait mention sur l’extrait KBis. L’objectif de cette disposition est de protéger les intérêts des créanciers.
Attention ! Ces formalités, si elles ne sont pas remplies, peuvent être pénalement sanctionnées par une amende de 4 500 € et une peine d’emprisonnement de 6 mois.
Cette procédure s’applique du seul fait de la constatation de la perte de la moitié du capital social. Elle doit être suivie même si la situation de la société a été régularisée
- grâce à une augmentation de capital avant l’expiration du délai de 4 mois,
- ou avant la tenue de l’assemblée générale appelée à statuer sur les comptes de l’exercice. (Question ministérielle n° 10-4752, JO de l’Assemblée Nationale du 28 novembre 2006, p. 12 512)
—Régularisation de la situation
Si les associés écartent la dissolution, la société dispose d’un délai expirant à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue pour régulariser sa situation :
- en reconstituant ses capitaux propres. Cette reconstitution doit se faire à concurrence d’un montant au moins égal à la moitié du capital social.
- en diminuant son capital. Cette diminution doit permettre aux capitaux propres d’atteindre au moins la moitié du montant du capital. Et non plus, comme avant la loi du 9 mars 2023, représenter un montant au moins égal à celui des pertes qui n’ont pu s’imputer sur les réserves.
Les dirigeants sociaux peuvent voir leur responsabilité civile mise en cause au cas où leur inaction aurait causé un préjudice à la société.
—La reconstitution des capitaux propres
La reconstitution des capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social peut se faire par tous moyens. Il peut s’agir de :
- la réalisation de bénéfices suffisants,
- l’abandon de créances,
- l’augmentation du capital par apport en nature ou en numéraire,
- ou encore de réduction de capital.
En cas de régularisation sous forme d’augmentation de capital, les associés ou actionnaires doivent avoir à leur disposition tous les documents leur permettant de se prononcer en connaissance de cause. Notamment, le rapport des dirigeants ou du conseil d’administration doit comporter « des informations claires, spécifiques et circonstanciées sur les motifs, l’importance et l’utilité de cette opération au regard des perspectives d’avenir de la société ».
—Réduction du capital social
La réduction du capital doit se faire à un montant permettant aux capitaux propres d’atteindre la moitié du capital social.
Le décret 2023-657 du 25 Juillet 2023 fixe les seuils de capital social au-delà desquels, en fonction de la taille de leur bilan, les sociétés doivent réduire leur capital social pour le ramener à une valeur inférieure ou égale à ces seuils dans le cas où elles n’ont pas reconstitué leurs capitaux propres dans le délai légal à la suite de la constatation de l’insuffisance de ces derniers.
- pour les SARL et SAS : 1% du total du bilan de la dernière clôture d’exercice,
- pour les SA, la valeur la plus élevée entre 1% du total du bilan de la dernière clôture d’exercice, et 37 000 €. Sauf à la condition suspensive d’une augmentation future destinée à le porter de nouveau, par la suite, à un montant au moins égal à ce minimum.
—Quid d’une augmentation ultérieure de capital ?
Si la règle des capitaux propres excédant la moitié du capital social n’a pas été respectée, la société devra suivre les nouvelles règles de seuil avant la fin du 2ème exercice suivant celui de l’augmentation de capital.
—Un délai supplémentaire
Jusqu’à présent, en cas de défaut de reconstitution des capitaux propres de la société dans le délai imparti de deux ans, toute personne intéressée pouvait demander au Tribunal de commerce de prononcer la dissolution de la société. La loi 2023-171 du 9 mars 2023 introduit (article 14) un délai supplémentaire de deux ans qui permet à la société d’échapper au risque de dissolution.
—Après la régularisation
La société qui a régularisé sa situation peut demander de retirer du RCS la mention de la perte de la moitié du capital. Elle doit alors déposer au greffe le procès-verbal de l’assemblée générale constatant la reconstitution de ses capitaux propres.
Ainsi, grâce à la loi du 9 mars 2023, les sociétés bénéficient d’un délai supplémentaire de 2 exercices (soit 4 exercices en tout) pour régulariser leur situation. Et cette régularisation pourra ne se limiter qu’à une réduction de capital portant ce dernier à une valeur inférieure ou égale au seuil, sans aller jusqu’à la compensation intégrale des pertes.
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