Le droit d’alerte dans l’entreprise consiste à pouvoir alerter l’employeur de toute situation de danger grave pour la vie ou la santé des travailleurs. L’alerte concerne également tout défaut dans les systèmes de protection.
Il existe aussi un droit d’alerte économique, et un droit d’alerte social. Ils ont pour but d’attirer l’attention sur la situation de l’entreprise, sur les plans économique et social.
Dans les faits, il n’y a donc pas un, mais plusieurs droits d’alerte, très différents les uns des autres. Qui peut les exercer ? Dans quelles conditions ? Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, explique dans cet article en quoi ils consistent.
Qui peut exercer le droit d’alerte ?
- Situation de danger grave pour la vie ou la santé,
- Risque grave pour la santé publique et l’environnement
Tous les salariés (quels que soient les types de contrat, CDI, CDD, saisonniers, apprentissage, mais aussi intérimaires, intervenants extérieurs et salariés mis à disposition) peuvent exercer ces droits d’alerte, soit directement, soit par l’intermédiaire de leurs représentants.
- Atteinte au droit des personnes,
- Droit d’alerte économique,
- Droit d’alerte sociale
Seul le CSE, dans les entreprises de plus de 50 salariés, dispose de ces droits d’alerte.
Avant 2020
Les situations de danger grave et imminent pour la santé des travailleurs (sécurité, protection, risques psychosociaux, cas de violences au travail, de harcèlement moral ou de stress important) étaient du ressort des membres de l’ex CHSCT.
L’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique ou mentale ou à leurs libertés individuelles dans l’entreprise était du ressort du droit d’alerte dévolu aux délégués du personnel (DP).
De son côté, l’ex-comité d’entreprise (CE) disposait de deux types de droit d’alerte :
- économique, s’il avait connaissance de faits affectant sérieusement la situation financière de l’entreprise,
- sociale s’il avait connaissance d’un recours trop important de l’entreprise aux CDD ou au travail temporaire.
Depuis le 1er Janvier 2020
Tous ces droits d’alerte sont maintenant du ressort des membres du CSE (Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017). Les membres du CSE peuvent exercer eux-mêmes un droit d’alerte lorsqu’ils estiment que la situation d’un salarié présente un risque pour sa vie ou pour sa santé. Et ce, même si le salarié en question n’a pas fait usage de son droit d’alerte.
Ainsi, le droit d’alerte du CSE est maintenant prévu aux articles L. 2312-59 et suivants du Code du travail, et se décline sous les formes suivantes :
- l’atteinte aux droits des personnes (article L2312-59),
- l’alerte en cas de danger grave et imminent (article L2312-59, également détaillé aux articles 4132-2 à L.4132-5)
- l’alerte en cas de risque grave pour la santé publique et l’environnement (article L.2312-60, également détaillé aux articles 4133-1 à L. 4133-4)
- l’alerte économique (article L2312-63 à 69),
- l’alerte sociale (article L2312-70 et 71).
Comment cela se passe-t-il ?
L’atteinte au droit des personnes (article L2312-59)
Lorsqu’un membre élu du CSE (un membre de droit, comme un délégué syndical, ne peut pas déclencher cette alerte) a connaissance de l’existence d’une atteinte aux droits des personnes (comme par exemple un harcèlement physique ou moral, une agression verbale violente, etc.), il saisit immédiatement l’employeur.
Celui-ci diligente une enquête (avec le membre du CSE), et prend les mesures nécessaires pour remédier à la situation.
Si l’employeur ne prend aucune mesure, ou en cas de divergence sur cette atteinte au droit des personnes, le membre du CSE peut saisir le conseil de prud’hommes. Le salarié à l’origine de l’information donne son accord pour cette démarche.
L’alerte en cas de danger grave et imminent (article L2312-60)
Selon que le salarié qui exerce son droit d’alerte est membre ou non du CSE (Comité Social et Economique), et selon l’effectif de l’entreprise, les procédures à suivre ne seront pas exactement identiques. Cependant les principes généraux restent les mêmes.
Le salarié (ou le membre du CSE) qui constate dans l’entreprise un risque grave pour son intégrité physique, ou un défaut dans les systèmes de protection doit en avertir au plus vite son employeur. Bien que le Code du travail ne donne ni définition ni indication quant à la nature du danger, on peut en donner une liste non exhaustive avec quelques exemples :
- un fil électrique dénudé,
- une grille de protection abîmée,
- la défaillance d’un équipement individuel de protection (EPI), comme les lunettes de protection, un casque, etc.
- des conditions climatiques extrêmes,
- l’émanation de substances toxiques,
Attention, le danger mis en avant par le salarié ne doit pas être un simple “inconfort” de travail.
Le salarié (ou le membre du CSE) doit immédiatement informer l’employeur et consigner par écrit cette alerte sur le registre des dangers graves et imminents. Datée et signée, l’alerte indique le poste de travail concerné, la nature et la cause du danger, et le nom du ou des salariés exposés.
L’employeur procède sans délai à une enquête, co-dirigée avec le membre du CSE déclencheur de l’alerte. Il doit prendre les mesures qu’il faut pour remédier à la situation.
L’entreprise adresse une fiche de renseignements à l’inspecteur du travail.
En cas de désaccord (entre l’employeur et le CSE), l’employeur réunit le CSE dans un délai de 24 heures. L’inspecteur du travail et le représentant de la Carsat (Caisse d’Assurance Retraite et de la Santé au Travail, l’ex CRAM) sont informés et peuvent assister à la réunion.
Par la suite, l’inspecteur du travail peut mettre en demeure l’employeur de remédier à la situation.
L’alerte en cas de risque grave pour la santé publique et l’environnement (article L2312-60)
Un salarié ou un membre du CSE qui constate dans l’entreprise un risque grave pour la santé publique et l’environnement doit avertir son employeur.
Celui-ci consigne cette alerte par écrit dans un registre spécial, dont les pages sont numérotées.
Une procédure détaillée de lancement d’alerte doit être mise en place et diffusée dans les entreprises de plus de 50 salariés. Le salarié lanceur d’alerte qui respecte la procédure d’alerte bénéficie d’une protection.
L’alerte est datée et signée, et elle indique les informations suivantes :
- Produits ou procédés de fabrication utilisés ou mis en œuvre dont le travailleur estime de bonne foi qu’ils présentent un risque grave pour la santé publique ou l’environnement,
- Conséquences éventuelles pour la santé publique ou l’environnement,
- Toute autre information utile à l’appréciation de l’alerte consignée.
Puis, l’employeur examine la situation avec le représentant du personnel au CSE, et informe de la suite qu’il réserve à celle-ci.
Dans les entreprises de moins de 50 salariés, l’employeur informera le salarié lanceur d’alerte de la suite qu’il réserve à celle-ci
En cas de divergence avec l’employeur (sur le bien-fondé de l’alerte transmise) ou en l’absence de suite donnée dans un délai d’un mois, le membre du CSE ou le salarié adresse son signalement :
- à l’autorité judiciaire (procureur par exemple),
- à l’autorité administrative (préfet par exemple)
- ou aux ordres professionnels (ordre des médecins par exemple).
En dernier ressort et en l’absence de traitement dans un délai de 3 mois, le signalement peut être rendu public (information des médias par exemple).
Droit d’alerte économique (dans les entreprises d’au moins 50 salariés)
Les articles L2312-63 à L2312-69 du Code du travail prévoient aussi, pour le CSE, un droit d’alerte économique lorsqu’il a “connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise”.
Il peut alors demander à l’employeur de lui fournir des explications”. Les faits préoccupants peuvent être (entre autre) :
- La perte d’un client important,
- Une baisse importante de chiffre d’affaires,
- Des retards dans le versement du paiement des salaires,
- Le refus de certification des comptes par le commissaire aux comptes,
La demande est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine réunion du CSE. Le chef d’entreprise doit y répondre de façon précise, éventuellement accompagnées de documents.
Si le CSE se satisfait des réponses apportées par la direction, la procédure s’arrête.
Si le CSE n’a pas obtenu de réponse satisfaisante, il décide de la poursuite de la procédure d’alerte. Il établit un rapport, au titre du droit d’alerte économique, qui est transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes. Le CSE peut désigner un expert-comptable pour l’assister.
Les informations communiquées dans le cadre d’une procédure d’alerte économique sont confidentielles.
- la procédure qui peut être mise en œuvre par le commissaire aux comptes.
- la possibilité pour les associés et actionnaires de poser des questions sur tout fait de nature à compromettre la continuité d’exploitation,
- la possibilité pour le président du tribunal de commerce de convoquer les dirigeants,
- l’information fournie par un groupement de prévention agréé à ses adhérents.
Retrouvez la procédure d’alerte dans notre article La procédure d’alerte dans les entreprises : comment prévenir les difficultés ?
Droit d’alerte sociale (dans les entreprises d’au moins 50 salariés)
Le CSE peut enfin saisir l’inspection du travail lorsqu’il a connaissance “de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats de travail à durée déterminée, aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial et au travail temporaire…” C’est le droit d’alerte sociale, défini aux articles L2312-70 et L2312-71 du Code du travail.
Ainsi, lorsque le CSE constate un accroissement important, ou un recours abusif, à des CDD ou à des intérimaires, il demande tout d’abord des explications à l’employeur, qui devra y répondre lors de la prochaine réunion du CSE.
Le chef d’entreprise communiquera :
- le nombre de salariés sous contrat à durée déterminée,
- le nombre de salariés sous contrat de travail temporaire,
- les motifs ayant amené l’entreprise à y recourir,
- le nombre de journées de travail effectuées par ces contrats.
Lorsqu’il estime qu’il y a un recours abusif à ce type de contrats, le CSE pourra saisir l’inspecteur du travail.
Il existait aussi un droit d’alerte en cas d’utilisation non conforme du CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi). Ce droit a été abrogé au 1er Janvier 2019, avec la disparition du CICE.
Pour plus d’informations sur le droit d’alerte dans l’entreprise, retrouvez nos articles sur le blog de Valoxy :