La directive européenne CSRD a pour objectif d’uniformiser le reporting extra-financier des entreprises sur les questions de développement durable. Déjà transposée en France dans sa législation, elle entre en vigueur, pour les grandes entreprises, dès le 1er janvier 2024 (pour un premier reporting en 2025 sur l’année 2024).
Mais que contient-elle ? Qui est concerné ? Quelles conséquences pour les entreprises ? Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts-de-France, répond à ces questions.
— De quoi s’agit-il ?
La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive, pour “directive sur le reporting de durabilité des entreprises”) oblige les entreprises à tenir la comptabilité des “risques ESG” (environnementaux, sociaux et de gouvernance) qui pèsent sur leur activité, mais aussi des risques que leurs activités font peser sur l’environnement et la société.
Concrètement, elle imposera aux entreprises de publier, selon des normes très précises, des informations détaillées sur leurs risques, opportunités et impacts matériels de leur activité en lien avec les questions sociales, environnementales et de gouvernance.
C’est un des éléments constitutifs du Pacte vert européen, qui vise l’objectif d’une croissance durable, sans émission nette de gaz à effet de serre, d’ici 2050.
Adoptée en Décembre 2022, et transposée en droit français en Décembre 2023, la directive CSRD remplace la directive NFRD (Non-Financial Reporting Directive) sur la publication d’informations non financières en vigueur depuis 2018. Cette Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF) devient dorénavant un rapport de durabilité.
— À qui s’applique-t-elle, et quand ?
Au 1er janvier 2024 (pour un premier reporting publié en 2025 sur l’année 2024), seules les entreprises de plus de 500 salariés et plus de 40 millions d’euros de chiffres d’affaires et/ou 20 millions d’euros de total de bilan sont concernées. Il s’agit des entreprises déjà dans le champ d’application de l’actuelle directive européenne NFRD (Non Financial Reporting Directive).
Au 1er janvier 2025, toutes les autres grandes entreprises européennes devront appliquer la directive CSRD. Seront donc concernées les entreprises qui répondent à deux des trois critères suivants : 250 salariés, 40 millions d’euros de chiffre d’affaires ou 20 millions d’euros de total de bilan.
Le 1er janvier 2026, il s’agira des PME cotées sur un marché réglementé UE, à l’exception des microentreprises (entreprises de moins de 10 salariés dont le total du bilan ne dépasse pas 350 000 € ou dont le montant net du chiffre d’affaires ne dépasse pas 700 000 €). L’AMF (Autorité des marchés financiers) précise cependant que “les PME appliqueront des normes de reporting allégées et auront la possibilité de différer leurs obligations deux années supplémentaires”.
Ainsi l’entrée en vigueur de la CSRD se fera de manière progressive.
— Quels éléments fournir ? Quels critères respecter ?
Les nouvelles règles doivent garantir aux investisseurs et aux autres parties prenantes qu’ils bénéficieront de toutes les informations dont ils ont besoin pour évaluer :
- l’impact des entreprises sur les personnes et l’environnement, à court, moyen et long terme,
- les risques financiers de l’entreprise découlant du changement climatique et des questions de durabilité. (c’est à dire les impacts réels ou potentiels encourus à ce titre sur la création de valeur économique à court, moyen et long terme).
La manière dont ces informations sont présentées répond aux normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards). Ces normes ont pour objectif d’encadrer le reporting ESG des entreprises. Elles définissent le fonds (le contenu) et la forme (la présentation) de l’information de durabilité attendue des entreprises soumises à la CSRD. Ces états de durabilité (“sustainability statements”) apporteront une meilleure qualité d’information et, surtout, une plus grande transparence de la part des entreprises.
Une réponse qui suit les normes ESRS
Dans un premier temps, l’approche ESRS est trans-sectorielle, c’est à dire que toutes les entreprises, quelles que soient leurs activités, répondent, de la même manière, à des règles génériques. (Une approche “sector-agnostic”).
Dans un second temps, des normes spécifiques à chaque secteur d’activité (on parle de “sector-specific”) seront appliquées.
Ces normes, aujourd’hui en cours de finalisation, pourraient être validées à l’été 2024. Autour de 12, elles sont réparties en trois axes :
L’axe environnemental
Il analysera des critères comme les émissions de CO2, la consommation d’électricité, le recyclage des déchets, etc.
- La norme ESRS E1 recouvre la thématique “Changement climatique” (adaptation au changement climatique, énergie, etc.),
- La norme ESRS E2 recouvrira la Pollution,
- La norme ESRS E3 englobera les impacts, les risques et les opportunités relatives à “l’eau et les ressources marines”,
- La norme ESRS E4 “Biodiversité et écosystèmes” concerne les facteurs d’impact directs de l’entreprise sur la perte de biodiversité ou la préservation des écosystèmes,
- La norme ESRS E5 concernera “l’utilisation des ressources et l’économie circulaire”.
L’axe social
Il reprendra des critères comme la qualité du dialogue social, l’emploi de personnes handicapées, la formation des salariés, etc.
- La norme ESRS S1 “Effectif propre à l’entreprise » doit fournir des informations sur les conditions de travail (taux d’accidents avec arrêt, …), la répartition hommes/femmes dans le management, etc.
- l’ESRS S2 traite des “travailleurs dans la chaîne de valeur »,
- l’ESRS S3 informe sur “les communautés touchées »,
- et l’ESRS S4 listera des critères sur “les consommateurs et les utilisateurs finaux ».
Un axe autour de la gouvernance
Il présente la culture d’entreprise, la gestion de ses relations avec les fournisseurs, la politique mise en place afin d’éviter la corruption, l’engagement de suivre cette politique, y compris le lobbying, la protection des dénonciateurs, le bien-être des animaux et les pratiques de paiement.
- l’ESRS G1 illustrera donc la “conduite des affaires”.
— Comment s’organiser ?
La directive CSRD, et les normes qu’elle impose amènent de nouvelles obligations pour les entreprises concernées, à commencer par :
- la réalisation d’audits externes par des organismes accrédités (OTI) dans le cadre de l’application de la norme ISO 17029. Et ce, afin, notamment, de faire un état des lieux, de vérifier la qualité des informations transmises et la conformité des déclarations, etc.
- un point complet des risques et des enjeux,
- une réflexion stratégique sur la comptabilité de l’entreprise ainsi que l’extension des procédures de contrôle de gestion à une dimension RSE, afin d’identifier les points clés à fournir en termes d’impact, de risques et opportunités, d’enjeux stratégiques à moyen et long terme. La comptabilité ne devra plus seulement prendre en compte la dimension financière, mais aussi la dimension environnementale. Elle devra offrir une vision plus large, plus complète et plus pertinente de l’entreprise dans son environnement :
- choix d’indicateurs “PP” (pertinents et performants) permettant de mesurer le niveau de performance et de fiabilité de l’entreprise (matérialité),
- analyse de l’ensemble de la chaîne de valeur,
- analyse approfondie des exigences de divulgation (les « disclosure requirements » listés dans les ESRS).
Le principe de la double matérialité
- de son impact sur les personnes et l’environnement (matérialité d’impact) à court, moyen et long terme,
- et des éléments sociaux et environnementaux (“les risques et opportunités liés au développement durable) qui peuvent avoir un impact positif ou négatif sur son développement, sa performance et sa position, à court, moyen ou long terme (matérialité financière).
La pertinence de l’information
À l’exception des questions concernant le climat, il est aussi prévu que l’entreprise ne communique sur ces normes que si elle estime l’information pertinente dans sa situation. Sur le climat, l’entreprise justifiera sa décision de communiquer ou non de façon très détaillée.
— Consultation du CSE
L’article 26 de l’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023 modifie le Code du travail. Il prévoit l’obligation, pour les grandes entreprises et les entreprises cotées, sujettes à la CSRD, de consulter les CSE sur les informations en matière de durabilité, les moyens de les obtenir, et de les vérifier. À l’occasion de la consultation sur la politique économique et financière de l’entreprise, l’employeur doit notamment mettre à disposition du CSE, dans la BDESE (base de données économiques, sociales et environnementales), le rapport de gestion relatif à la RSE de l’entreprise.
— En résumé :
La CSRD oblige les entreprises à informer des “risques ESG” qui pèsent sur elles.
Elle s’appliquera progressivement aux entreprises, d’abord les grandes, puis les PME cotées.
Les informations à fournir doivent répondre de manière cadrée aux normes ESRS.
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