Comment les frais de télétravail doivent-ils être remboursés par l’employeur ? Pendant la pandémie de Coronavirus, le télétravail a en effet été imposé à de nombreux salariés. Certains ont découvert ce mode de travail pour la première fois. Et le plus souvent, sur recommandation ou injonction du gouvernement !
Aujourd’hui, le télétravail, qui se développait petit à petit depuis une quinzaine d’années, se démocratise, et s’étend un peu plus. Se pose donc la question des frais de télétravail qui peuvent (et doivent ?) être pris en charge par l’employeur.
Valoxy, cabinet d’expertise-comptable dans les Hauts-de-France, tente de répondre à cette question.
Textes relatifs aux frais engendrés par le télétravail
Article 1222-10 du Code du Travail
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 22 septembre 2017, un article du code du travail (L.1222-10) prévoyant la prise en charge par l’employeur de tous les frais engagés par le salarié en télétravail a été supprimé. Cependant, plusieurs avocats en droit du travail soulignent que ce texte ne dispense pas pour autant l’employeur de son obligation “générale” de prise en charge des coûts liés à l’exercice de la fonction des salariés. Si le télétravail est mis en place à la demande de l’employeur, ce dernier doit nécessairement rembourser certains frais. Mais lesquels ?
Le “Guide du télétravail” du Ministère
Lors du premier confinement, le Ministère du Travail avait publié un « guide du télétravail ». Celui-ci avait semé le doute sur la question des remboursements de frais, en indiquant : « l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui le prévoit ». Toujours d’après plusieurs avocats en droit du travail, les recommandations du Ministère du Travail n’ont cependant pas de réelle valeur juridique. Il faut donc se référer à la loi. Voir aussi le dossier du nouveau code du travail numérique.
L’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 26/11/2020
Le 26 novembre 2020, les organisations patronales et syndicales (à l’exception de la CGT) ont signé un Accord National Interprofessionnel (ANI) sur le télétravail. Cet accord statue sur le sort des frais engagés par le salarié en télétravail. (Accord étendu le 13 avril 2021).
Le point 3.1.5. de l’accord indique que : « le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de télétravail. A ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur. Le choix des modalités de pris en charge éventuelle des professionnels peut être un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise ». Les frais qui doivent être pris en charge par l’employeur ne sont cependant pas précisés explicitement.
Depuis 2017, le télétravail peut être mis en place dans l’entreprise avec ou sans accord ou charte. En cas d’accord ou de charte, il conviendra de s’y référer afin de connaître les modalités de remboursement des frais engendrés par le télétravail.
Quels sont les frais qui pourraient faire l’objet d’un remboursement ?
Le télétravail engendre nécessairement des coûts supplémentaires pour le salarié. Par exemple, l’achat de fournitures, l’électricité, le chauffage, etc. Pour déterminer si le salarié peut ou non en demander le remboursement, il faut étudier chaque situation au cas pas cas.
Télétravail à la demande de l’employeur
- Coûts relatifs à internet et au téléphone. Si le salarié utilise ses propres abonnements, il est difficile pour lui de demander une prise en charge. (puisqu’aujourd’hui la plupart des forfaits sont illimités, ou disposent d’une très grande capacité). Cependant, si l’utilisation de ses abonnements engendre un coût supplémentaire, le salarié est en droit de demander le remboursement du surplus, sur justificatif.
Attention
- Coûts relatifs à l’acquisition de mobilier : à notre sens, si le salarié doit s’équiper d’un bureau et d’une chaise de bureau afin d’y installer son poste de travail, il est en droit de demander le remboursement à son employeur, sur justificatifs, et après accord de celui-ci concernant les modèles et les prix.
- Coûts relatifs à l’acquisition de matériel informatique et de fournitures de bureau : à notre sens, si le salarié doit acheter un ordinateur et des fournitures de bureau, dans le seul but de pouvoir travailler depuis son domicile, et donc de s’en servir à des fins exclusivement professionnelles, l’employeur est tenu de lui rembourser cette dépense. Notons que dans la majorité des cas, l’employeur lui fournit ce matériel.
- Coûts relatifs à l’électricité et au chauffage : dans ce cas précis, il faudrait que le salarié puisse prouver (avec des justificatifs) une hausse des consommations, et que cette hausse est imputable à la situation de télétravail, afin de demander une indemnisation à l’employeur.
- Cas particulier de l’indemnité d’occupation de domicile. Elle est destinée à compenser l’utilisation du domicile privé à des fins professionnelles. Toujours selon les avocats précités, si en temps normal le salarié est placé en télétravail à la demande de l’employeur, et si aucun local professionnel n’est mis à sa disposition, il doit être indemnisé pour l’occupation de son domicile. Reste à déterminer la somme versée…
Télétravail à la demande du salarié
- Coûts relatifs à internet et au téléphone : même raisonnement que précédemment. Cependant, le télétravail étant à l’initiative du salarié, si l’employeur ne souhaite pas investir dans un téléphone avec abonnement, il pourrait refuser la demande et demander au salarié de travailler sur site.
- Coûts relatifs à l’acquisition de mobilier. Même raisonnement que précédemment. Cependant, le télétravail étant à l’initiative du salarié, si l’employeur ne souhaite pas investir dans du mobilier, il pourrait refuser la demande et demander au salarié de travailler sur site.
- Coûts relatifs à l’acquisition de matériel informatique et fournitures de bureau. Ces coûts étant assez élevés, il est peu probable qu’un employeur accepte de fournir un ordinateur supplémentaire spécialement pour le télétravail. Le salarié risque de se voir refuser la demande de télétravail.
- Coûts relatifs à l’électricité et au chauffage. Dans la mesure où la demande est à l’initiative du salarié, il est peu probable que l’employeur accepte de prendre en charge une partie de ces frais.
- Cas particulier de l’indemnité d’occupation de domicile : le salarié ne peut pas demander cette indemnité.
Refus possible
Montants, charges et fiscalité sur les frais de télétravail
Le dédommagement des frais découlant de la situation de télétravail peut se faire de trois manières, par :
- le versement d’une allocation forfaitaire,
- le remboursement sur facture,
- la prise en charge directe de l’employeur.
Charges sociales
Un tableau détaillé des frais considérés comme des frais professionnels est disponible sur le site de l’URSSAF.
Rappelons que les dépenses doivent avoir un caractère professionnel. Elles doivent être utilisées conformément à leur objet. Les remboursements ou allocations doivent se faire dans l’intérêt de l’entreprise. Leur niveau ne doit pas être exagéré.
Si l’entreprise et le salarié respectent ces règles, les frais sortent de la base de calcul des cotisations de Sécurité sociale. (ainsi que de la base de CSG-CRDS).
En ce qui concerne l’allocation forfaitaire.
Selon l’URSSAF, elle est réputée être utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations dans la limite de 10€ par mois. (pour un salarié effectuant une journée par semaine de télétravail). 20€ par mois si le salarié effectue 2 jours de télétravail par semaine, et ainsi de suite… La limite globale est donc de 50€ par mois. Aucun justificatif n’est nécessaire dans ce cas. Mais il faudra bien évidement prouver que le salarié est en télétravail.
Une allocation peut être fixée par jour. Dans ce cas, le montant journalier ne peut excéder 2,50 euros par jour, soit 55 euros par mois.
Enfin, si la convention collective, un accord professionnel ou de groupe, prévoit l’allocation forfaitaire, son montant ne peut excéder
- 13 euros par mois par jour de télétravail effectué par semaine,
- ou 3,25 euros par jour de télétravail dans le mois,
dans la limite de 71,50 euros.
En cas de versement dépassant ces limites, l’Urssaf ne pourra admettre l’exonération de cotisations et de contributions sociales que sur la base des justificatifs produits.
Impôt sur le revenu
Le Ministère de l’Economie et des Finances a indiqué le 2 mars 2021 que les allocations (indemnités, remboursements forfaitaires, remboursements de frais réels,..) versées par l’employeur au titre du télétravail à domicile en 2020 sont exonérées d’impôt sur le revenu. Voir notre article La déclaration de revenus des particuliers en 2022.
C’est à l’employeur d’indiquer ces éléments dans les informations transmises à l’administration. Les salariés, quant à eux, devront vérifier ces informations sur les déclarations pré-remplies au moment de déclarer leurs revenus.
Ces allocations forfaitaires sont exonérées dans la limite de 2,5 € par jour de télétravail à domicile. Le Ministère précise de plus que l’allocation sera présumée exonérée dans la limite annuelle de 550 € pour l’année 2020. Ce montant atteint 580 € pour l’année 2021.
Pour les salariés ayant opté pour la déduction des frais professionnels “au réel”, les frais engagés au titre du télétravail à domicile pourront se déduire dans la même limite. Cependant, si cela lui est plus favorable, le contribuable pourra les déduire pour leur montant exact. Les modalités de ces mesures seront disponibles prochainement sur le site www.impots.gouv.fr
Attention, il s’agit exclusivement des frais professionnels engagés au titre du télétravail à domicile. Les frais de trajet domicile travail et les frais de restauration ne sont pas concernés.
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