La réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage modifie en profondeur le “paysage” de la formation. Engagée depuis plusieurs années, elle s’appuie notamment sur l’accord conclu le 22 février 2018 par les syndicats et le patronat. La loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel”, adoptée en Septembre 2018, finalise cette évolution.
Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, reprend dans cet article les principaux éléments de la transformation et de la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
Philosophie de la réforme
Gouvernance du système, collecte des cotisations, plus grande liberté des acteurs entre eux, nouveaux dispositifs pour compléter l’existant, réforme de la formation professionnelle répond d’abord à un souci de cohérence.
Dans un contexte de mutations importantes du travail, elle donne aussi une plus grande place à l’apprentissage, et ne laisse aucun aspect de côté : offre de formation, valorisation de l’expérience, choix individuels, employabilité, etc.
Ainsi, la réforme de la formation professionnelle atteste d’une volonté de simplification, de libéralisation, et de transparence en remplaçant un système devenu, au fil des ans, “opaque, inégalitaire et inefficace” (E. Macron).
Elle s’articule ensuite autour des compétences, “la meilleure arme pour se protéger des aléas de la vie professionnelle”.
Enfin, elle suit la tendance à l’individualisation de la formation, en rendant plus autonomes les salariés.
Cotisations des entreprises (rappel)
Cette contribution sert principalement à financer :
- l’alternance et l’apprentissage, pour plus de 50%,
- la formation destinée aux demandeurs d’emploi, pour environ 20%,
- les CPF et les CPF de transition, pour environ 15%,
- les actions de développement de compétences des entreprises de moins de 50 salariés,
- le conseil en évolution professionnelle (CEP) des actifs occupés.
La nouvelle gouvernance
France Compétences
Gérée par l’Etat, les régions et les partenaires sociaux, France Compétences est la nouvelle autorité nationale de financement et de régulation, née de la réforme de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Elle fusionne les trois anciennes instances :
- COPANEF (Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation professionnelle)
- CNEFOP (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle)
- Le FPSPP (Fonds Paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels), qui chapeautait les Fongecif
La Caisse des Dépôts et Consignations (CDC)
C’est le dépositaire et centralisateur unique des CPF (comptes de formation professionnelle). Elle devient un acteur central de la réforme de la formation professionnelle.
Les OPCO
11 OPCO (opérateurs de compétences) remplacent les 20 OPCA (Organisme Paritaires Collecteurs Agréés), historiquement chargés de la collecte et de la gestion des fonds (mutualisés) des entreprises. La mission des OPCO tourne désormais autour :
- du financement des centres de formation d’apprentis (CFA),
- de la définition des diplômes professionnels,
- et de l’anticipation des besoins de compétences et de qualification,
Ils sont toujours gérés par les partenaires sociaux, mais ils ne collecteront plus les cotisations formation, rôle qui sera assuré par l’Urssaf ou les MSA au plus tard le 1er Janvier 2022.
Les commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR)
Elles remplacent depuis le 01/01/2020 les Fongecif (Fonds de Gestion des Congés Individuels de Formation), qui étaient en charge du financement du Congé Individuel de Formation, du Bilan de Compétence, de la Validation des Acquis de l’Expérience et de la formation hors temps de travail.
Ces “nouvelles” structures auront en charge :
- l’instruction et le financement des dossiers de transition professionnelle (anciennement CIF, maintenant appelé “CPF detransition”).
- la vérification du sérieux des projets des salariés démissionnaires afin qu’ils soient couverts par l’assurance-chômage. (possibilité qu’offre la réforme).
Les outils de suivi des droits
Les réformes successives ont donné plus d’autonomie aux salariés, qui, dorénavant, maîtrisent mieux leur droit à la formation.
Le Droit Individuel à la Formation (DIF)
Créé en 2004, ce droit s’ajoutait aux autres dispositifs de formation continue, comme le congé individuel de formation (CIF) et le plan de formation. Le CPF remplace le DIF depuis 2014. Voir notre article Le droit individuel à la formation (DIF) remplacé par le compte personnel de formation (CPF).
Le Compte personnel de formation (CPF)
Créé en 2014, il se substitue au DIF. Ce compte virtuel est utilisable sans intermédiaire. Il porte les droits individuels de tous (salariés et demandeurs d’emploi) en matière de formation. Ces droits les suivent tout au long de leur parcours professionnel. En outre, le CPF peut continuer à être alimenté même après avoir fait valoir ses droits à la retraite, au titre d’activités bénévoles et volontaires. (Voir notre article Le compte personnel de formation (CPF) )
Alimenté en heures (24 heures par an) depuis sa création, il est crédité en euros à partir de 2019 :
- 500 euros par an, dans la limite de 5.000 euros,
- 800 euros par an pour les salariés non qualifiés et pour les travailleurs handicapés, dans la limite de 8.000 euros,
- Les salariés à mi-temps auront les mêmes droits que ceux à temps plein.
Le CPF permet de bâtir un projet professionnel tout au long de sa carrière, et de sécuriser son parcours professionnel en suivant des formations qualifiantes. Le CPF favorise donc le maintien de l’employabilité. Qui plus est, il offre la possibilité de solliciter gratuitement un conseil en évolution professionnelle (CEP) avant de se lancer.
Le Compte Professionnel de Prévention (C2P)
Créé le 1er janvier 2015, le C2P remplace le C3P (Compte Personnel de Prévention de la Pénibilité). La déclaration d’exposition aux risques de l’employeur permet au salarié d’acquérir des droits (formation, temps partiel ou départ anticipé à la retraite).
Le Compte Engagement Citoyen (CEC)
Créé par la loi du 8 août 2016 dite « Loi Travail », le CEC est destiné à reconnaître et valoriser l’engagement bénévole de responsables associatifs très investis. Il permet de bénéficier de droits à formation supplémentaires, crédités sur le CPF. (sous réserve de conditions d’éligibilité).
Le Compte Personnel d’Activité (CPA)
Apparu le 01/01/2017, le CPA est une plateforme numérique en ligne qui donne directement accès aux droits acquis par les salariés en matière de formation professionnelle. (CPF, CPP et CEC). Il regroupe aussi d’autres services liés au travail et à la formation. Voir notre article Le Compte Personnel d’Activité (CPA).
La monétisation des heures
La monétisation des heures du CPF en euros en 2019 est un choix de lisibilité. En remplaçant une unité abstraite (des heures) par une unité monétaire (des euros), le CPF devient concret, lisible. Chacun connaît son capital et peut l’utiliser librement. C’est aussi un moyen de rendre les salariés plus autonomes, ce qui est un des piliers de la réforme.
Une application mobile pour tous
Certains la comparent à un “Airbnb de la formation professionnelle” !
L’application garantit l’exhaustivité de l’offre, l’indépendance du choix et la qualité des formation. Grâce à sa convivialité, l’application est accessible à tous, et notamment aux moins qualifiés. Enfin, les organismes de formation auront 48 heures pour répondre à une demande d’inscription. Les avis présents sur l’application (opinions des stagiaires, etc.) aideront à faire le “bon” choix.
Délivrance d’informations complètes, modalités d’annulation, protection du titulaire, confirmation de la bonne exécution de la formation, les organismes de formation, s’ils ne respectent pas le cahier des charges, risquent des sanctions financières, voire même d’un déréférencement temporaire de l’application.
Les versions successives de l’application, mise en ligne fin 2019, permettront de répondre progressivement à tous les cas de figure. (Voir notre article Acheter une formation en ligne grâce à son CPF).
Accéder aux informations sur les formations éligibles, choisir sans intermédiaire, connaître les débouchés, s’inscrire, payer. Puis compléter son crédit CPF, faire jouer les abondements possibles, afficher les taux de réussite des organismes, aider à l’orientation et au conseil, etc.
Moncompteformation s’enrichira aussi de tout le parcours professionnel des actifs. Tout comme LinkedIn, ce qui lui permettra de devenir un moteur de recommandation ! À terme, le Ministère du Travail envisage, pourquoi pas, de faire de l’appariement avec les offres d’emploi !
Le choix des formations
L’éventail des formations éligibles au CPF est élargi à toutes les formations disponibles sur le marché. Les listes nationales ou régionales instaurées avec le CPF en 2014 et arrêtées par les partenaires sociaux disparaissent. (Elles étaient trop complexes et pas assez souples).
Le CPF permet de financer les frais pédagogiques et de valider des formations inscrites dans un registre national : CAP, Caces, CQP de branches, etc., mais aussi des certifications spécifiques (Cléa, etc.). Enfin, la loi Égalité et Citoyenneté (2017) a ouvert le CPF au permis de conduire (B).
Reconversion
Le congé individuel de formation (CIF) est remplacé par un dispositif intégré au CPF, le “CPF de transition”.
Le projet de transition professionnelle est une modalité particulière de mobilisation du CPF. Il permet aux salariés souhaitant changer de métier ou de profession de financer des formations certifiantes en lien avec leur projet. (reconversions, les changements de métiers, et les formations lourdes).
Les commissions paritaires interprofessionnelles régionales (CPIR) instruisent les dossiers en lieu et place des Fongecif depuis 2020.
La reconversion ou la promotion par alternance (Pro-A) est un nouveau dispositif de formation ouvert aux salariés. Il est notamment orienté vers ceux dont la qualification est insuffisante au regard de l’évolution des technologies ou de l’organisation du travail. Il leur permet de favoriser leur évolution ou promotion professionnelle et leur maintien dans l’emploi.
Accompagnement
Salariés et chômeurs pourront se faire guider gratuitement au travers d’un conseil en évolution professionnelle (CEP), dont le cahier des charges a été réécrit.
Entretien professionnel
L’entretien professionnel permettait d’informer le salarié sur ses perspectives d’évolution professionnelle, et sur la validation des acquis de l’expérience (VAE). Il doit désormais informer sur :
- l’activation du compte personnel de formation (CPF),
- les abondements que l’entreprise est susceptible de financer,
- le conseil en évolution professionnelle (CEP), à même de favoriser l’évolution et la sécurisation du parcours professionnel.
Plan de développement des compétences
Depuis le 1er janvier 2019, on ne dit plus “Plan de formation”, mais “Plan de développement des compétences”. L’employeur doit :
- assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail,
- veiller au maintien de leur capacité à occuper leur emploi, au regard notamment des évolutions technologiques,
- proposer des formations prévues (au plan de développement des compétences).
De même, l’employeur n’a plus à distinguer les actions de formations en fonction des catégories “adaptation et employabilité” ou “développement des compétences”. Il les présente selon que la formation est obligatoire ou non.
Enfin, le plan de développement des compétences peut également prévoir d’autres actions :
- le bilan de compétences,
- la VAE (Validation des acquis de l’expérience)
- la lutte contre l’illettrisme.
Possibilités d’abondement
Entreprises, branches, Pôle emploi, régions, Agefiph (pour les handicapés), opérateurs de compétences, etc., la loi ouvre à tous les acteurs de la formation la possibilité d’abondement aux crédits de formation. Il s’agit d’un financement complémentaire qu’ils peuvent accorder, sous certaines conditions, pour financer le reste à charge d’un projet de formation, si les droits du CPF sont insuffisants.
Ces euros “en plus” sont visibles sur l’application mobile.
Un accord de branche, ou d’entreprise, une région, pourront également abonder telle ou telle formation, selon les compétences qu’elles souhaitent développer.
Accord de l’employeur
Fini l’accord systématique de l’employeur ! Le salarié ne doit solliciter l’accord de l’employeur sur le choix de la formation que si celle-ci a lieu pendant le temps de travail. La formation se fait alors avec maintien de la rémunération.
En dehors du temps de travail, chacun peut utiliser ses euros comme il le souhaite. Et la même liberté est donnée aux chômeurs vis-à-vis de Pôle emploi.
Certification des organismes de formation
Un mécanisme de certification des organismes de formation (financés par des fonds publics ou mutualisés de la formation professionnelle) va être mis en place dès 2021. Des critères de qualité seront définis par décret, selon un référentiel national unique. Cela permettra de mieux s’y retrouver dans l’offre pléthorique de formations. (Il existe autour de 50 000 organismes de formation). Et surtout, c’est la condition de pouvoir bénéficier des financements du CPF, et d’apparaître sur l’application mobile.
Les organismes de formation devront, de plus, accepter des conditions générales de vente (CGV) qui fixeront notamment des modalités de remboursement.
La réforme de la formation professionnelle devra se poursuivre dans le temps, et s’adapter aux nouvelles formes de travail.
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Merci beaucoup , c’est très intéressant.