Le « Plan d’action pour la croissance des entreprises », plus connu sous le nom de la loi Pacte, a été présenté au Conseil des ministres le lundi 18 Juin par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, Le texte sera examiné en commission à partir de septembre. Son adoption est espérée avant la fin de l’année.
Ce projet de loi a été écrit pour PME et ETI. Celles-ci sont en effet jugées trop faibles pour affronter leur transformation digitale, ou leur développement à l’export. Ces entreprises n’en sont pas moins créatrices d’emplois (400 000 entre 2009 et 2015). Le texte vise à faciliter leur croissance en les exonérant de certaines obligations fiscales et administratives.
La croissance est en effet l’objectif principal de la loi. Elle s’adresse non seulement aux salariés (en matière de rémunération par exemple), mais également aux entreprises (notamment en ce qui concerne la création). Le ministre estime que cette loi pourrait générer un point de PIB supplémentaire sur le long terme, soit 20 milliards d’euros.
Certaines mesures prêtent cependant à controverse. Administrativement lourdes, elles sont aussi potentiellement coûteuses, alors que leur financement n’est pas bouclé.
Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, analyse les tenants et aboutissants de ce projet de loi touche-à-tout, en ne retenant que ce qu’elle modifierait concrètement pour les entreprises et les salariés.
I Les mesures en direction des salariés.
1) L’une des principales réformes de la loi Pacte (et l’une des plus médiatisées) est de favoriser l’épargne salariale en supprimant partiellement le forfait social. Cette contribution obligatoire des entreprises à la Sécurité sociale est basée sur toutes les formes de rémunération non soumises aux cotisations sociales, dont la participation et l’intéressement, et son taux varie entre 8%, 16% et 20%, selon les cas. Le Gouvernement propose de supprimer le forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, et sur la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés.
Alléger les charges des PME permettrait de multiplier les accords d’intéressement, et aurait des retombées positives sur la redistribution aux salariés des bénéfices de l’entreprise. Selon la DARES (le service statistiques du Ministère du travail), seuls 16,5% des salariés des entreprises de moins de 50 salariés ont aujourd’hui accès à l’épargne salariale, un pourcentage que le Gouvernement souhaiterait doubler. (Ce pourcentage est de plus de 90% dans les grandes sociétés !).
2) Le gouvernement, au travers de la loi Pacte, envisage aussi de développer l’épargne retraite en simplifiant les dispositifs Pep, Perco, Madelin, etc. Leur portabilité deviendrait totale tout au long de la carrière.
3) Le Gouvernement cherche également à donner davantage de poids et de voix aux salariés dans les grandes entreprises. Alors que la loi obligeait jusqu’à présent la présence d’un administrateur salarié dans un Conseil d’Administration (CA) d’au moins 12 administrateurs, la loi Pacte propose qu’il y ait deux administrateurs salariés dans un conseil d’administration d’au moins huit membres.
II Les avantages pour les entreprises en général.
Plusieurs points de la loi Pacte ont comme objectif d’aider à la création d’entreprise. Ils visent aussi à assouplir le régime fiscal des PME / ETI déjà existantes.
4) démarches
Les démarches administratives pour la création d’entreprise seront facilitées à partir d’un guichet en ligne unique, et toutes les informations légales seront compilées dans un registre numérique. Les coûts et les délais de ces démarches seront également réduits, de 1000 € à 250 € pour une création d’entreprise, avec un délai de réponse d’une semaine (contre un mois aujourd’hui).
5) coût
Les entreprises bénéficieront également de diverses réductions de coût. La plus emblématique est le relèvement du seuil à partir duquel les entreprises n’auront l’obligation de faire certifier leur bilan par un commissaire aux comptes. Il passe à 8 millions d’€ de chiffre d’affaires (et non plus 3,1 millions d’€).
6) Seuils
Diminution du nombre de seuils sociaux et leur impact. Dans un souci louable de simplification, et pour favoriser le développement des PME, la loi Pacte s’attaque aux seuils d’effectifs, qui sont des freins à la croissance. En effet, quand l’effectif d’une entreprise dépasse un certain nombre de salariés (11, 20, 50 ou 250), elle doit faire face à toute une série de nouvelles obligations administratives, syndicales, sociales et fiscales. D’où un « effet de seuil » : recruter une 11ème personne peut paradoxalement coûter très cher.
De plus, une entreprise devra avoir dépassé les seuils de 10, 50 et 250 salariés pendant 5 années consécutives avant que l’application des taxes et obligations sur ces dépassements de seuils n’entre en vigueur.
7) La loi Pacte propose ainsi de relever de 20 salariés à 50 salariés le seuil à partir duquel les entreprises doivent
- se doter d’un règlement intérieur,
- et cotiser au FNAL (Fonds National d’Aide au Logement).
De même, la nécessité d’installer un local syndical ne s’imposera qu’aux entreprises de plus de 250 salariés. (contre 200 aujourd’hui).
8) Reprises
La loi Pacte facilitera la reprise d’entreprise en rénovant le dispositif Dutreil pour les transmissions d’entreprises familiales à titre gratuit.
Par ailleurs, le rachat d’entreprise par les salariés bénéficiera du crédit d’impôt sans contrainte d’effectifs. Actuellement, ce plancher est d’au moins 15 personnes (ou 30% des salariés).
9) Financements
La loi Pacte a également pour objectif d’améliorer le financement des entreprises en élargissant le PEA PME aux titres émis dans le cadre d’une opération de crowdfunding (financement participatif).
De plus, les émissions de jetons virtuels (ICO), nouveau mode de financement des jeunes entreprises, seront désormais encadrées par l’Autorité des marchés financiers (AMF). (Voir notre article L’ICO pour lever des fonds en crypto-monnaie sur le blog de Valoxy)
10) Enfin, le Gouvernement compte vendre une partie de ses participations dans des entreprises. Il s’agit essentiellement d’ADP (Aéroports de Paris), de Engie, et de la FDJ (la Française Des Jeux). La cession permettrait de dégager 15 Milliards d’€ qui viendraient abonder le nouveau Fonds pour l’innovation et l’industrie.
III Débat politique, juridique, et interrogations sur le financement de la loi.
la loi Pacte est porteuse de nombreuses conditions avantageuses pour les entreprises et les salariés. Elle n’en demeure pas moins sujette à débat et fait l’objet de contestations et d’interrogations :
11) Le texte comporte une partie symboliquement forte qui modifierait l’article du Code Civil sur la raison sociale de la société. Celle-ci ne se limiterait plus au groupement d’associés en vue de partager des bénéfices. Elle comporterait de nouveaux objectifs sociaux et environnementaux.
Objectif apparemment louable, mais qui fait craindre au patronat des abus. Il pourrait ouvrir la porte à une multiplication d’injonctions environnementales ou sociétales. Cette mesure déplaît également aux juristes qui ne souhaitent pas que l’on touche ainsi au Code Civil.
12) Une dernière question, non négligeable, concerne le financement d’un projet aussi ambitieux. Le ministre évalue le coût de la loi Pacte à 1,1 Milliard d’€ en 2019. Puis à 1,2 milliard en 2020.
Ces montants seraient financés par une légère baisse des aides aux entreprises que le ministre de l’Action et des comptes publics), Gerald Darmanin, estime à 5 Milliards d’€, soit environ 3% du total des aides gouvernementales aux entreprises. Cette baisse (d’aides aux entreprises) devrait néanmoins être couplée à une hausse de la TVA de certains secteurs d’activité. (notamment la restauration et le logement).
Plus d’informations sur la loi PACTE ou les allégements de charges ? Retrouvez également nos articles sur le blog de Valoxy :