Les nouvelles dispositions de la loi El Khomri (loi Travail) et des ordonnances Macron viennent bouleverser l’ordonnancement des normes qui régissent les rapports sociaux en entreprise.
À l’aube de cette nouvelle ère, il est bon de rappeler les différents niveaux de règles, et leurs définitions. Qui prévaut, entre la loi, la convention collective, l’accord de branche et l’accord d’entreprise ?
Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France rappelle dans cet article ce qui constitue la colonne vertébrale et la hiérarchie des normes qui prévaut dans les rapports sociaux, sensiblement modifiées par la réforme de la « loi Travail ».
Le cadre général
La Loi
La loi définit les droits et devoirs de chacun. Elle régit l’organisation de la société, au travers d’un ensemble de règles juridiques. Elle fixe les règles générales qui garantissent des droits minimaux aux salariés et les rapports sociaux.
Le droit social regroupe toutes les normes qui déterminent les relations individuelles et collectives de travail. Détaillé dans le Code du travail, le droit social en est la traduction dans l’entreprise. Il régit les relations entre un employeur et les travailleurs qui lui sont subordonnés. Le droit du travail est ainsi le « régulateur » du droit applicable dans les entreprises.
La négociation collective
Les conventions collectives et les accords collectifs sont issus d’une négociation collective. Celle-ci peut être interprofessionnelle, de branche, nationale, régionale, de groupe, d’entreprise, etc. Ce sont des textes qui ont la même nature juridique, définissant des normes propres au droit social et aux rapports sociaux.
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La convention collective
La convention collective est un accord conclu entre les partenaires sociaux (organisations patronales et organisations syndicales représentatives), appartenant à un même secteur d’activité (banque, bâtiment, métallurgie, etc.) ou territoire, qui définit les conditions de travail et d’emploi, ainsi que les garanties sociales dans leur ensemble.
Elle complète et adapte les dispositions du Code du travail à un secteur d’activité donné. Il en existe plus de 650 au niveau national, réparties par branche professionnelle, et parfois déclinées de façon territoriale. Chaque entreprise dépend d’une convention collective, selon son activité, en fonction de son code APE.
La convention collective précise les règles des contrats de travail et établit le véritable cadre législatif social dans lequel évoluera l’entreprise, en ajustant les dispositions générales du Code du travail à l’environnement géographique et professionnel donné.
Elle aborde donc tout ce qui a trait à la « vie » du contrat de travail, aux processus et conditions d’embauche, à la période d’essai ou de rupture de contrat, aux classifications et niveaux de qualification, à la formation professionnelle, aux salaires minimaux applicables pour chaque catégorie professionnelle, aux congés et absences, aux conditions de rémunération, elle définit l’exercice du droit syndical et de la liberté d’opinion des salariés, les règles du travail de nuit, les modalités d’accès à un régime de prévoyance et/ou de frais de soins de santé, etc.
Elle comporte le plus souvent un texte de base, issu des négociations initiales, et des avenants et annexes qui auront été négociés ultérieurement.
La Convention collective peut fixer des règles différentes de la loi, à condition qu’elles soient plus favorables aux salariés.
Obligation d’information
La convention collective applicable dans l’entreprise doit obligatoirement être mentionnée sur le bulletin de paie, ainsi que sur leur contrat de travail.
Il est également obligatoire d’afficher la manière dont on peut se procurer le texte intégral de la convention collective, et elle doit pouvoir être consultable librement dans l’entreprise.
Portée
La convention collective s’applique à tous les salariés exerçant dans des entreprises adhérentes aux organisations patronales signataires.
Lorsqu’elle est « étendue » (par arrêté du Ministère du Travail), la convention collective s’applique à tous les salariés exerçant dans des entreprises entrant dans son champ d’application. Les entreprises non signataires disposent, sous certaines conditions, d’un droit d’opposition.
Lorsqu’elle est « élargie » (par arrêté du Ministère du Travail), la convention collective s’impose à tous les salariés exerçant dans des entreprises entrant dans son champ d’application. Il n’y a pas de possibilité d’opposition par les entreprises non signataires.
Si l’entreprise ne dépend ni d’une organisation patronale ni d’une convention collective étendue ou élargie (cas rare), l’employeur n’est pas tenu de suivre toutes les dispositions de la convention collective, à condition de ne pas déroger à certaines dispositions spécifiques (salaires minima, horaires, etc.)
Mais les éléments d’information mentionnés plus haut restent impératifs, tant sur la fiche de paie que sur le tableau d’affichage.
Le non-respect par l’employeur des dispositions de la convention collective peut amener le salarié à saisir le conseil de prud’hommes.
Si les activités la rattachent à plusieurs conventions collectives, l’entreprise doit en choisir une. De ce choix dépendront ensuite les avantages et/ou spécificités de tous les salariés de l’entreprise, quels que soient leurs emplois. Certaines convention collective sont plus favorables que d’autres, et le choix peut donc avoir des conséquences importantes.
- L’accord collectif
Les accords interprofessionnels, les accords de branche et les accords d’entreprise sont des accords collectifs :
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L’accord de branche
L’accord de branche procède du même principe que la convention collective, mais de manière plus restrictive, puisqu’il ne traite que d’une branche professionnelle (à l’intérieur d’un secteur d’activité) ou d’un contexte professionnel précis (spécificité d’un secteur, ou « conjoncture économique nécessitant un réajustement des règles de fonctionnement »).
Contrairement à la Convention collective, il ne porte que sur certains thèmes comme :
- le contrat de travail,
- les salaires et les salaires minimaux,
- la durée du temps de travail,
- l’égalité professionnelle,
- le droit syndical,
- les qualifications, la formation,
- l’ancienneté, les congés,
- ou les avantages tels que prévoyance et complémentaire santé.
Il permet également de compléter la loi par le biais de règles adaptées spécifiquement à une branche professionnelle.
Un accord de branche peut être national, régional ou départemental.
Il peut également ne s’adresser, tout comme la convention collective, qu’à une catégorie de salariés (cadres, ouvriers, ETAM, art.36). Il peut aussi être sectoriel.
Portée
L’accord de branche a un champ d’application plus restreint que celui de la convention collective. Il s’applique à tous les salariés travaillant dans les entreprises signataires de l’accord.
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L’accord d’entreprise
L’accord d’entreprise est, lui aussi, un accord collectif, conclu dans l’entreprise entre l’employeur et les représentants du personnel, ou le(s) syndicat(s) représentatif(s).
Il vise à établir des règles (conditions de travail, organisation et méthode, garanties sociales etc.) négociées entre les parties.
L’accord d’entreprise peut également fixer des règles différentes si elles améliorent la protection du salarié.
En cas de « conflit » entre les différents niveaux, c’est donc la norme la plus favorable au salarié qui l’emporte.
La réforme qui remet tout en question
La réforme du droit du travail (les nouvelles dispositions de la loi El Khomri / loi Travail, et des ordonnances Macron) entraîne un renversement de cette hiérarchie. Cette réforme promeut en effet l’entreprise (ou l’établissement) comme le lieu privilégié de la négociation collective. C’est là que s’élaboreront et se négocieront les nouvelles règles définissant les rapports entre les salariés et l’employeur.
En dépit de quelques exceptions, l’accord d’entreprise, même quand il prévoit des règles moins favorables aux salariés, prime désormais sur l’accord de branche, qui prime lui-même sur la loi. La loi ne fixe plus que les principes généraux.
L’accord d’entreprise peut donc imposer des conditions moins favorables que celles de la Convention Collective ou de l’accord de branche, du moment qu’elles n’y soient pas « contraires ». Il ne peut cependant déroger aux minima sociaux. Il ne peut non plus toucher à certaines dispositions sociales comme la protection sociale complémentaire ou le compte de formation (CPF).
Plus d’informations sur les règles qui régissent les rapports sociaux en entreprise ? Retrouvez notre article sur le blog de Valoxy :