On appelle « Love Money » ou « épargne affective de proximité » les fonds que le créateur récolte auprès de ses proches, famille ou amis, qui deviennent alors actionnaires de la société, avant de proposer à des business angels ou des fonds d’investissement de participer au financement de son projet.
Mais rendons à César ce qui appartient à César. L’expression s’utilise depuis longtemps au Québec. C’est « Love Money », une association loi 1901 de protection des actionnaires minoritaires, qui l’a introduite en France dans les années 80, peu avant la création du Second Marché en 1983.
Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France explique dans cet article tous les aspects de ces « fonds affectifs ».
Love Money
Le « love money » est aussi appelé « les 3 C » : cousins, copains et cinglés !
Cinglés, parce que théoriquement ces investisseurs – non aguerris pour la plupart – doivent être prêts à perdre le montant qu’ils investissent… « pour le beau geste, le coup de pouce à un proche » …
L’avantage pour le créateur est de gagner du temps dans le « parcours du combattant » qu’est la recherche de fonds, de ne pas avoir à négocier une valorisation (ou très peu) et même ne pas être obligé de justifier sa stratégie ou les performances escomptées auprès de ses actionnaires dans une phase où la mise au point du produit et sa commercialisation accaparent toute son énergie : le sentiment de perte de contrôle existe pas lorsqu’on fédère ce type d’actionnariat « de bonne volonté », qui exige rarement la constitution d’un comité stratégique.
Valorisation
La valorisation initiale n’est également presque jamais négociée par les proches. Prêts à perdre leur investissement, séduits par le courage et l’audace de l’entrepreneur, les premières preuves d’un concept innovant,… et par des prévisionnels de résultats et de valorisation enthousiastes, les « 3C » peuvent cependant rendre difficile la suite de l’histoire si certains écueils ne sont pas évités :
- Il est en effet impératif de négocier un pacte d’actionnaires : « l’entre soi » de gens bienveillants, l’économie de frais juridiques, la « confiance » qui règne au début du projet, ne préjugent pas des tensions qui pourraient surgir par la suite.
- Il faut aussi organiser la sortie de ces actionnaires, certes sympathiques à court terme, mais qui peuvent se révéler gourmands lorsque l’entreprise se développe, ou encombrants lorsqu’il faut envisager d’élargir le cercle pour des montants plus importants dont ils ne disposent pas.
Si ces enjeux ne sont pas anticipés, la relation « affective de proximité » peut s’en trouver profondément modifiée, au-delà même du conflit d’actionnaires potentiel, et elle peut être préjudiciable au développement de l’entreprise.
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Il ne faut pas non plus solliciter trop de personnes au tour de table
Même si, à priori, les membres de ce premier cercle sont bienveillants, organiser un pacte avec plus de 3 ou 4 personnes peut être source de tracasseries quand il s’agira de déboucler l’opération. L’humain est ainsi fait que les apprentis investisseurs peuvent se prendre au jeu et, au regard du développement de l’entreprise, prétendre à une valorisation plus importante que la défiscalisation initiale, ou ne plus avoir envie de céder à un moment où la valeur de l’entreprise fait un pivot, ou encore se découvrir sur le tard une vocation d’actionnaire et avoir envie d’infléchir la stratégie de l’entreprise sans être pour autant en phase avec le dirigeant.
Par ailleurs, l’investisseur financier aguerri, sollicité dans un deuxième temps, souhaitera un tour de table « simplifié » : les capital-risqueurs préfèrent passer du temps à comprendre les modèles économiques et la capacité de l’équipe à intégrer les changements de l’environnement qu’à détricoter des montages juridiques basés sur l’affectif.
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Attention à ne pas sur-valoriser l’entreprise d’entrée de jeu
Imaginons un apport en « love money » cumulé de 100 k€ sur une base de 1.5 M€, avec une valeur calculée :
- sur des résultats futurs ambitieux (et on ne peut pas reprochéerau créateur de l’être …)
- sur une dilution « maximale acceptable » basée sur la capacité d’apport initiale du créateur et non sur le modèle économique de l’entreprise (et donc absence la plus complète de rationalité)
(pour mémoire, l’entreprise n’a encore réalisé qu’un très faible CA et accuse des pertes relativement importantes)
Le développement étant toujours plus long que prévu, lorsque l’entreprise a consommé le cash, qu’elle a amorcé la commercialisation de son produit sans encore être en phase d’industrialisation, elle sollicitera des business angels et des investisseurs financiers pour une seconde levée de 500 k€ et tout de go .. l’entreprise obtient :
- des apports en capital de 200 k€ sur une base de valeur de 1 M€ (et l’avis de l’ensemble des intervenants financiers converge vers cette valeur)
- des financements (en dettes et quasi fonds propres) à hauteur de 300 k€
Grincements de dents ! Comment expliquer à un proche qui a toujours été bienveillant que la valeur a stagné ou régressé ? Lui voit les ventes de l’entreprise progresser. Faut-il que le créateur évoque (avec beaucoup d’humilité) sa méconnaissance des principes de base de la valorisation d’entreprise ?
Conseil
Afin d’éviter ces déconvenues, nous suggérons aux entrepreneurs de se faire conseiller très en amont. Et ce, dès la création de l’entreprise, afin de :
- définir une méthode de valorisation de l’entreprise au fur et à mesure de son plan de développement,
- « Négocier » la participation au tour de table dès le départ et sécuriser juridiquement chaque étape des recherches ultérieures de financement. Anticiper c’est prévoir les meilleures conditions pour réaliser les levées de fonds successives,
- Réfléchir au montage financier adéquat pour les fonds récoltés. Sur-valoriser l’entreprise n’est pas la seule solution pour éviter la dilution. D’autres outils sont accessibles, même pour des personnes physiques.
Ne jamais décider seul de la valeur de son entreprise. Accepter la rationalité de l’expert – même si son discours est plus empreint de rationalité que de paillettes. Le bon sens économique a toujours raison à long terme, ce qui n’empêche pas d’être ambitieux en négociations !
Pour plus d’informations sur les levées de fonds, retrouvez nos articles sur le blog de Valoxy :
- Business angel, crowdfunding, prêt rémunéré : devenez investisseur !
- Modes de financement qui ne font pas appel aux banques
- Les plateformes de crowdfunding
- Quelle stratégie de financement pour quel projet
- Les aides au financement pour la création ou la reprise
- Réussir sa campagne de financement participatif
Trés bien expliqué, bravo !
vous avez cependant oublié de citer l’association Love Money http://www.love-money.org qui a été créée en 1982 et qui est ainsi à l’origine, en France, de la diffusion de cette expression et de la formule.
Bien qu’aujourd’hui l’association a vu vieillir ses dirigeants et elle est à la recherche d’un nouveau souffle avec de nouveaux dirigeants (avis aux candidats !)
jean SALWA fondateur de l’association 0614851915
Bonjour Monsieur Salwa,
En réponse à votre remarque (justifiée), nous avons rajouté ce petit paragraphe dans notre texte : « Mais rendons à César ce qui appartient à César : l’expression, utilisée depuis longtemps au Québec, a été introduite en France dans les années 80, grâce à l’association 1901 de protection des actionnaires minoritaires « Love Money », et autour de la création du Second Marché en 1983 ! »
Nous espérons que cette petite phrase vous agréera ! Nous avons bien noté par ailleurs que votre association recherchait de nouveaux dirigeants.
Nicolas, de l’équipe Valoxy