Décidée d’un commun accord entre le salarié et l’employeur, la rupture conventionnelle individuelle n’a cessé de se développer depuis la loi portant modernisation du marché du travail du 25 Juin 2008. C’est en fait une séparation à l’amiable.
La procédure représente un mode de rupture de contrat par transaction, simple, et se fait hors de toute procédure judiciaire. Fortement encadrée, elle reste soumise à l’homologation par la DIRECCTE.
Valoxy, cabinet d’expertise comptable dans les Hauts de France, fait le point sur les conditions et les démarches nécessaires afin de minimiser les risques liés à cette forme de “licenciement amiable”.
Qu’est-ce qu’une rupture conventionnelle individuelle ?
La rupture conventionnelle individuelle permet aux parties de rompre le contrat de travail qui les lie de manière amiable. Elle a l’avantage d’octroyer au salarié une indemnité de rupture. Elle lui permet également de toucher par la suite les allocations chômage. Tant l’employeur que le salarié peuvent proposer la rupture conventionnelle individuelle. Elle permet aussi de sécuriser un licenciement qui ne s’appuierait pas sur un motif sérieux.
Avec quels salariés peut-on conclure une rupture conventionnelle individuelle ?
La rupture conventionnelle individuelle ne peut se conclure qu’avec des salariés en CDI (contrat à durée indéterminée) du secteur privé. Et ce, qu’il s’agisse de salariés protégés ou non.
La négociation d’une rupture conventionnelle peut se faire avec un salarié au contrat suspendu. C’est le cas notamment du congé parental, du congé sabbatique, du congé sans solde, etc. Il convient néanmoins de rester prudent, notamment si le salarié est représentant du personnel, en congé maternité ou encore en arrêt pour accident du travail :
- Salariée enceinte ou en congé maternité : il faut faire attention à la discrimination ! En effet, la rupture conventionnelle ne peut se proposer si un lien clairement établi existe entre celle-ci et l’état de santé de la salariée. Le risque de contentieux est élevé.
- Salarié protégé : la consultation au préalable des représentants du personnel s’impose. De même faut-il demander l’homologation de la rupture conventionnelle auprès de l’inspection du travail.
- Salarié en arrêt pour accident de travail, ou déclaré inapte : une rupture conventionnelle peut se faire. Attention cependant à ce qu’il n’y ait ni fraude, ni vice du consentement. Le risque de contentieux ou d’annulation de la rupture conventionnelle par les juges du conseil des Prud’hommes est important. Comment en effet calculer le montant de l’indemnité de rupture : doit-on suivre les règles du licenciement pour inaptitude (mais alors, est-ce encore une rupture conventionnelle) ?
- Litige entre le salarié et l’employeur : cette situation ne s’oppose pas à une rupture conventionnelle si le consentement du salarié a été libre, non vicié et qu’il n’a pas été obtenu par des moyens de pression.
Dans quelles situations ne peut-on pas conclure de rupture conventionnelle individuelle ?
La rupture conventionnelle ne peut s’envisager que dans un contexte de commun accord. Ni l’employeur ni le salarié ne peuvent l’imposer. Si la rupture conventionnelle a été signée dans un contexte de harcèlement moral, ou si des pressions ont été exercées, la rupture conventionnelle peut être annulée par les juges du conseil des Prud’hommes. Dans ce cas, le salarié pourra prétendre aux indemnités prévues en cas de licenciement injustifié.
Même en cas d’accord entre les parties, il y a interdiction de la rupture conventionnelle dans les cas suivants :
- Si elle se conclut dans des conditions frauduleuses,
- S’il y a vice de consentement,
- Lorsqu’elle est proposée dans le cadre d’un accord GPEC (gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences) ou d’un PSE (Plan de sauvegarde de l’emploi),
- Si elle est proposée dans le cadre d’un accord portant sur la rupture conventionnelle collective,
- Si la rupture conventionnelle vise à éviter les garanties prévues pour le salarié en matière de licenciement économique.
La procédure à suivre pour une rupture conventionnelle réussie
Lorsqu’on envisage une rupture conventionnelle individuelle, il faut toujours penser au risque prud’homal qui peut en découler. Nous conseillons donc fortement de suivre une procédure stricte. Et ce, afin d’accumuler les preuves du consentement libre et éclairé du salarié, et de respecter une série d’étapes :
Les entretiens
Au cours d’un ou plusieurs entretiens, les parties vont définir les modalités de rupture du contrat. Et notamment le montant de l’indemnité de rupture et la date de fin du contrat. La convention de rupture conventionnelle fixera ces modalités.
La procédure
Il y a obligation d’au moins un entretien entre l’employeur et le salarié. Les parties fixent librement les conditions de convocation du salarié à cet entretien. Nous conseillons néanmoins fortement de suivre la même procédure que pour la convocation à un entretien préalable au licenciement. Il faudra convoquer le salarié par écrit. Cela se fera par une lettre remise en main propre contre décharge, ou par LRAR. Il faudra respecter un délai d’au moins 5 jours ouvrables avant la date fixée pour l’entretien. Ce délai laisse ainsi le temps au salarié de prendre les renseignements nécessaires sur la rupture conventionnelle. Il pourra également, s’il le souhaite, trouver une personne pour se faire assister lors de l’entretien.
Le courrier de convocation doit ainsi rappeler les éléments suivants :
- Date et heure de l’entretien,
- Que le salarié peut se faire assister : soit par un salarié de l’entreprise (représentant du personnel ou non), soit par un conseiller du salarié en l’absence d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise. Il convient alors d’indiquer dans le courrier où le salarié peut trouver la liste des conseillers : soit à la mairie de l’adresse du salarié si ce dernier habite dans le même département que l’entreprise, soit à l’inspection du travail dont dépend l’entreprise.
- Que l’employeur peut se faire assister, soit par un salarié de l’entreprise, soit par un membre de son organisation syndicale d’employeurs, ou par tout employeur relevant de la même branche, si l’entreprise emploie moins de 50 salariés.
- Que le salarié peut prendre les renseignements qu’il juge utile auprès de son antenne Pôle emploi, pour envisager la suite de son parcours professionnel.
Droit à assistance
Si le salarié décide de se faire assister pendant l’entretien, il doit en informer l’employeur par oral ou par écrit.
Si l’employeur décide de se faire assister pendant l’entretien, il doit en informer le salarié par oral ou par écrit (privilégiez l’écrit).
Lors du premier entretien, les parties conviendront
- de la date de sortie,
- du montant de l’indemnité de rupture. Celle-ci ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement.
- et de toute autre disposition négociée. Il s’agit par exemple de la prise de congés avant le départ, d’une autorisation d’absence rémunérée, etc.
Nous conseillons fortement de ne pas signer la rupture conventionnelle le jour du 1er entretien. On définira un second entretien, quelques jours après la tenue du premier, afin de signer tous les documents liés à la rupture. Cela permettra à chacune des parties de réfléchir avant la signature.
L’indemnité de rupture
Concernant l’indemnité de rupture, attention à ce que dit la convention collective ! Notamment si celle-ci prévoit une indemnité conventionnelle plus avantageuse que l’indemnité légale. Pour les entreprises entrant dans le champ d’application de l’ANI (Accord National Interprofessionnel) du 11/01/2008, il faudra alors appliquer la Convention collective.
La date de sortie fixée entre les parties ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation de la DIRECCTE. Pour pouvoir définir la date exacte de sortie, il convient de tenir compte des délais suivants :
- À compter du lendemain de la signature de la rupture conventionnelle, les parties disposent d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires.
- Après ce délai, l’employeur doit transmettre à la DIRECCTE, via la plateforme TéléRC, une copie du formulaire Cerfa de rupture conventionnelle signé.
- A compter du lendemain de la réception, la DIRECCTE dispose de 15 jours ouvrables pour homologuer ou non la rupture conventionnelle.
La signature de la rupture conventionnelle individuelle
Lorsque l’employeur et le salarié ont fixé les modalités de rupture du contrat, ils signent les documents de rupture conventionnelle individuelle. Le seul document obligatoire est le formulaire Cerfa, mais il est fortement conseillé de signer en complément une « convention de rupture ». Attention, s’il s’agit d’un salarié protégé, il convient d’utiliser le formulaire Cerfa 14599*01 « salarié protégé ».
Une fois les documents signés, chacune des parties conserve un exemplaire (en cas de non-respect, une annulation de la rupture conventionnelle est possible avec versement d’indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse).
Chaque partie dispose d’un délai de rétractation de 15 jours calendaires. En cas de rétractation, un courrier doit être adressé à l’autre partie signataire, par écrit (LRAR préconisée), dans le délai imparti.
Le délai de 15 jours commence à courir à compter du lendemain de la signature du formulaire Cerfa. Lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, il se prolonge jusqu’au 1er jour ouvrable suivant.
La plateforme TéléRC permet de calculer le délai de rétractation. Il permet aussi de remplir en ligne le formulaire Cerfa, avant de l’imprimer pour signature.
La demande d’homologation
Si aucune des parties ne s’est rétractée, l’employeur dépose alors sur le site TéléRC la copie du formulaire Cerfa de rupture conventionnelle individuelle signée. Attention, en cas de salarié protégé, le formulaire Cerfa doit être envoyé à l’inspection du travail dont dépend l’employeur.
La DIRECCTE dispose d’un délai de 15 jours ouvrables pour homologuer ou non la rupture. Ce délai court à compter du lendemain de la réception du formulaire Cerfa. Si le dernier jour de ce délai tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, il est prolongé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Si la DIRECCTE n’a pas répondu dans ce délai, la convention est homologuée. En cas de refus d’homologation, la DIRECCTE doit motiver sa décision.
Attention, en cas de contrôle URSSAF, le courrier d’homologation sera demandé pour justifier de l’exonération de charges sur l’indemnité de rupture.
Quelle est la situation du salarié durant la procédure de rupture conventionnelle ?
Le salarié continue de travailler normalement, et peut également poser des congés payés, en accord avec l’employeur.
En conclusion
En permettant au salarié et à l’employeur de se séparer à l’amiable, la rupture conventionnelle offre un intérêt aux deux parties. Le salarié recevra des allocations chômage, qu’il n’aurait pas reçu s’il avait démissionné. Et, pour l’employeur, la rupture conventionnelle n’entraîne pas les conséquences qu’aurait eu un licenciement à son initiative.
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- Le code du travail numérique
- CDI : les différentes manières de le rompre
- Contrats CDD et CDI, quels avantages, quels inconvénients ?
- La rupture conventionnelle collective
- Rupture conventionnelle : vers la fin des transactions ?
- Les documents à remettre au salarié lorsque son contrat de travail se termine